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De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
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Bienvenue sur la documentation du Projet de Recherche sur l'Auto-Exploitation Collective (PRAEC)

Guillaume a eu une idée, et aussi une autre idée.

Problématique

Il y a une quinzaine d’années, quelques coopératives de travail dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) ont émergé à Montréal. Pratiquant l’autogestion, visant une clientèle d’organismes communautaires ou de petites entreprises socialement engagées, leur inscription dans l’économie locale des alternatives s’est aussi traduite par des relations de travail égalitaires et des conditions d’emploi moins avantageuses que ce qui aurait pu être obtenu, dans le même secteur, dans des entreprises typiquement capitalistes de l’économie du savoir (Tremblay, 2015). Plus récemment, de nouveaux espaces de travail se sont propagés partout dans le monde mais surtout en Amérique du Nord (Lallement, 2015). Espaces high-tech de travail spécialisé où se pratiquent le bidouillage, le hacking ou le making [faire] (Scaillerez et Tremblay, 2017), les hackerspaces constituent une forme de communauté de participation bénévole à la réalisation collaborative de produits en contradiction aux formes dominantes de la marchandise (Grenzfurthner et Schneider, 2009; Anonyme, 2016). Dans ces lieux de travail, de nouveaux rapports sociaux de travail sont inventés, réfléchis et mis en pratique (Cleach et al., 2015). Ils alimentent ainsi une critique active du travail salarié et du capitalisme, tout en contribuant aussi, de plus en plus, à grossir le réservoir des possibles visant à instaurer des formes de vie et d’activités socio-économiques plus justes et écologiquement soutenables (Kurtz, 2011; Granier, 2013 ; Ellul et Charbonneau, 2014). Il nous apparaît pertinent de prendre la mesure de ces expérimentations dans le contexte de la crise écologique, dont l’économie politique capitaliste est largement responsable (Psao, 2009; Fraser et Jaeggi, 2018; Pineault, 2019 ; Abraham, 2019), et nous cherchons à savoir comment se matérialisent ces enjeux d’émancipation et de transition écologique dans ces espaces high-tech d’expérimentation de nouvelles formes de travail. Inscrit dans la tradition de la sociologie critique et engagée (Castoriadis, 1999; Bourdieu, 2002; Corcuff, 2004, 2011; Burawoy, 2015; Fischbach, 2016; Wright, 2017; Boucher, à paraître), notre projet de recherche entend contribuer à revaloriser la portée politique de l’activité de travail, comme moteur d’action sur la société et de transformation sociale (Pinard, 2000; Gorz, 1997). Pour ce faire, il s’inspire des recherches actuellement menées au Québec par Kruzynski sur les pratiques autonomes et la constitution de formes de vie alternatives (CRSH-Savoir, 2017-2022), de même que de celles réalisées par Lallement sur les hackerspaces ou les makerspaces « où s’élabore une nouvelle grammaire du travail » (Lallement, 2015, p.17; Berrebi-Hoffmann et al., 2018). Par le biais d’entretiens réalisés avec des travailleurs de trois coopératives de travail autogérées et d’un hackerspace de Montréal, nous souhaitons documenter et interpréter les formes innovantes de travail qui y sont instaurées, en s’attardant en particulier sur leur dimension socio-économique. S’ils ne sont pas payés pour leur participation, comment les membres du hackerspace assurent-ils leurs moyens d’existence ? Comment les salariés coopérants justifient-ils leurs faibles conditions d’emploi ? Ont-ils le sentiment de participer, ce faisant, à construire une société alternative, plus conviviale et écologiquement soutenable ? Se maintiennent-ils dans ce type d’emplois à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience ? Comment envisagent-ils leur carrière? S’ils quittent ces tiers lieux de travail, cela met-il en lumière les limites de ces innovations? Quelles sont ces limites? C’est à ces questions que ce projet de recherche entend répondre. Plus précisément, notre projet de recherche vise les objectifs suivants : 1) Documenter ces formes alternatives d’activités de travail dans leur dimension socio-économique ; 2) Situer la participation dans ces espaces de travail alternatifs en regard des valeurs de la population à l’étude ; et 3) Interpréter ces résultats en les situant dans leur contexte, sous un double aspect : a) la trajectoire d’emploi et d’engagement social de la personne ; b) les transformations contemporaines touchant les dynamiques d’emploi. Montréal est reconnue pour ses innovations dans les domaines des NTIC (Legault 2012; Quintas, 2016) et des alternatives économiques (Jeppeson et al., 2014 a, b). Le secteur des NTIC est susceptible d’éclairer les questions que pose cette recherche, et d’en limiter la portée, parce que les innovations dans les rapports sociaux de travail, de même que les valeurs d’émancipation, sont fortement présentes parmi les défenseurs et pratiquants des logiciels libres (DiBona et al, 1999; Himanen, 2001; Bardini et Proulx, 2002; Kleiner, 2010; Coleman, 2013; Broca, 2013; Guiton, 2013; Lallement, 2015). Parce que ces valeurs et ces innovations se diffusent, depuis peu mais rapidement, au-delà des milieux militants (Boudreau, 2016), il nous paraît d’autant plus judicieux d’en prendre le pouls et d’en questionner la portée sociale, économique et politique. CONTEXTE Depuis l’avènement du capitalisme, le salaire constitue la rétribution normale de l’activité (Méda, 1998; Pinard, 2000; Pillon et Vatin, 2003; Vatin et Bernard, 2006 ; Friot, 2012). Consolidée dans le rapport salarial fordiste qui s’érige dans la période d’après-guerre (1945-1975), et caractérisée par la diffusion de conditions d’emploi stables, bien protégées et supposant un partage équitable des revenus (Aglietta et Brender, 1984; Boyer, 1986 ; Boucher, 2006), cette norme est aujourd’hui ébranlée par deux phénomènes distincts et concomitants. Le premier phénomène, généralisé dans les économies du capitalisme avancé, découle de la croissance de l’emploi atypique ou informel, précaire et faiblement rémunéré (Boltanski et Chiapello, 1999; Durand, 2004; Kalleberg, 2009; Appay et Jefferys, 2009; Ulysse, 2009; Lapointe, 2013; BIT, 2015; Tremblay, 2015b; Cloutier-Villeneuve, 2014, 2016). Depuis une quinzaine d’années, ce phénomène a été accentué par la prolifération de nouvelles formes d’emploi (Petit et Thévenot, 2006; Eurofound, 2015), souvent associées à l’uberisation des relations de travail (Azaïs, 2017) et à l’essor de la gig economy ou de l’économie dite « du partage » (Schor, 2015; Cockayne, 2016; De Stefano, 2016; OCDE, 2016; Srnicek, 2017). Ces nouvelles formes d’emploi témoignent de la régénération des modes d’exploitation de la force de travail (Boucher, 2011; Haber, 2018; Gomes, 2018). En plus d’accompagner la précarisation des conditions d’existence et d’emploi (Freedland et al., 2015; Graham et al., 2017), elles peuvent impliquer des horaires à la demande, du travail gratuit, des relations contractuelles floues ou médiées par des algorithmes (Aneesh, 2009; Dieuaide, 2017; D’Amours et al., 2017; Jamil, 2017), tout en mobilisant un univers référentiel d’auto-entrepreunariat (Elert et Henrekson, 2016; Abdelnour, 2017; Paltrinieri et Nicoli, 2017), voire de liberté (Bodet et de Grenier, 2012; Cingolani, 2014; Lojkine, 2016). L’essor du travail gratuit associé à l’émergence de formes hybrides de travail, à cheval entre loisir et salariat, constitue un deuxième phénomène participant à l’étiolement de la norme salariale. On en parle en termes de playbor, de prosommation, de loisir actif, de wikinomics (Tapscott et Willimans, 2006; Bruns, 2014; Ritzer, 2013, 2015; Dujarier, 2015; Flichy, 2017). Ces formes d’activités non rémunérées, souvent médiées par des plateformes numériques (Beauvisage et al., 2018), sont néanmoins bien intégrées au circuit de la valorisation du capital des entreprises (Maalouf, 2019). Moins prégnant que le premier, l’évolution récente de ce deuxième phénomène témoigne de l’importante transformation en cours. Il est par conséquent pertinent de se demander comment les formes d’emploi et d’occupation réalisées dans les espaces de travail alternatifs se démarquent de ces tendances, puisqu’elles en partagent plusieurs caractéristiques. En effet, on y retrouve aussi du travail gratuit et de la sous-rémunération, non moins que les références à l’auto-entreprenariat, au plaisir-loisir dans le travail et à la liberté.

Auto-exploitation

  • Modes de propriété / détention des moyens de production: coopérative & subvention; les communs.
  • Capital des travailleurs (social, culturel, humain): des savoir faire acquis des expériences (de luttes) anarchistes. De départ / de sortie
  • Partage des moyens de production, de connaissance (savoir/pouvoir) DIY (autonomisation techno)
  • Pratiques stratégiques: retombées (mouvement, institutionnalisation c révolution; marché de niche alternative; expérimentation en acte; éducation populaire et avant-garde)
  • Finalités de l'activité (maintenir de l'emploi, du revenu, reproduire l'entreprise, redistribuer, répondre à un besoin de marché)
  • Accès aux moyens d'existence - DIY (autonomie et indépendance)
  • Formes: "travail" gratuit;
  • Regard critique: degré de démarchandisation; Cohérence/contradiction moyens/fins; activités inutiles/utiles (production, reproduction, contraintes de la nécessité / de la reproduction du capital)
  • Imaginaires. Quelle autonomie, quelle liberté, quelle abolition de quels rapports de domination? "Éthique" et attention.

Expérimentations en acte

À mettre en contraste avec les tendances hype contemporaines.

Enjeux de la valeur

Monnaie alternative: principe d'équivalence; heure de travail

Mise en contraste : le contexte contemporain =

Critique artiste; Économie sociale et solidaire (Gorz, Castel)

  • Sous-traitance

Notes de lectures sur l'autogestion

Rapports de recherche sur des coops autogérés

Canivenc, S. (2012). L’autogestion dans la société de l’information québécoise. Centre de recherche sur les innovations sociales.

Girard, J.-P. (2000). Une identité à affirmer, un espace à occuper : Aperçu historique du mouvement coopératif au Canada français.

Roy, M. (2019). Getting rid of the boss for building postcapitalist futures, Mémoire de maîtrise, Concordia.

Articles scientifiques

Welford, R. (1990). The Co-Operative as a Fringe Firm and the Notion of Self-Exploitation. International Small Business Journal: Researching Entrepreneurship, 8(3), 39‑48. https://doi.org/10.1177/026624269000800303

Textes théorique

Luxemburg, R. (1898), Réforme sociale ou révolution, http://classiques.uqac.ca/classiques/luxemburg_rosa/oeuvres_1/rosa_oeuvres_1.pdf .

Morris, William, 2008, Useful work versus useless toil, London, Penguin Books.

Littérature moins reliée

Beauvisage, T., Beuscart, J.-S., & Mellet, K. (2018). Numérique et travail à-côté. Enquête exploratoire sur les travailleurs de l’économie collaborative. Sociologie du travail, 60(2). https://doi.org/10.4000/sdt.1984

Schor, J. B. (2017). The Sharing Economy : Reports from Stage One. http://www.bc.edu/content/dam/files/schools/cassites/sociology/pdf/TheSharingEconomy.pdf

Littérature grise et excréments PDFs trouvés en bordure de l'autoroute de l'information

Prolétaires, Des, 2009, Contre le mythe autogestionnaire, Zine.