Révolution, réformisme, transition écologique, émancipation

De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Abolir/dépasser le travail et le capitalisme[modifier]

« Le dépassement du capitalisme ne peut pas se faire au nom du travail ou du travailleur, mais seulement au nom d’une activité libre qui est effectuée en vue de buts concrets, et non de l’accumulation tautologique d’une valeur abstraite. » (Jappe, 2019 : 12)

Gorz va dans le même sens: «Il faut que le «travail» perde sa centralité dans la conscience, la pensée, l’imagination de tous : il faut apprendre à porter sur lui un regard différent : ne plus le penser comme ce qu’on a ou n’a pas ; mais comme ce que nous faisons. Il faut oser vouloir nous réapproprier le travail» (Gorz, 1997: 11-12). « Le travail qui disparaît est le travail abstrait, le travail en soi, mesurable, quantifiable, détachable de la personne qui le «fournit», susceptible d'être acheté et vendu sur le «marché du travail», bref, c'est le travail monnayable ou travail-marchandise qui a été inventé et imposé de force et à grand-peine par le capitalisme manufacturier à partir de la fin du XVIIIe siècle » (Gorz, 1997: 95).

Le travail comme activité retrouverait les vertus du travail anthropologique (Hegel, Dejours). Mais comment envisager un travail émancipateur à partir de formes d'activité que le rapport contemporain au travail manifeste déjà, en particulier le fait de ne plus être détachable de la personne? Assurément, c'est la part d'activité-pour-le-système qui doit être renversée.

Si l'agriculteur s'affranchit du grand propriétaire foncier sans que l'industrie s'affranchisse du capitaliste industriel, du commerçant et du banquier -- il n'y aura rien de fait. (Kropotkine, 2017: 67)

Sachons qu'une révolution qui s'enivrerait des plus belles paroles de Liberté, d'Égalité et de Fraternité tout en maintenant l'esclavage du foyer ne serait pas la révolution. La moitié de l'humanité, subissant l'esclavage du foyer de cuisine aurait encore à se révolter contre l'autre moitié. (Kropotkine, 2017: 159)

Je trouve que ça aide à voir la pertinence des espaces collectifs de penser que présentement, y'a deux pôles d'exploitation. Si on se libère du travail, il faut résolument mettre de l'avant des structures alternatives où la domination ne sera pas reproduite. Je pense que les formes coopératives permettent de voir un entre deux entre les usines et le travail domestique. Genre les cuisines collectives, ça devrait rester après la révolution.

Une société anarchiste n'a pas à craindre le Rotschild inconnu qui viendrait tout à coup s'établir dans son sein. Si chaque membre de la communauté sait qu'après quelques heures de travail productif, il aura droit à tout les plaisirs que procure la civilisation, à la jouissance profonde que la Science et les Arts donnent à qui les cultive, il n'ira pas vendre sa force de travail pour une maigre pitance [...] (Kropotkine, 2017: 67)

« Pour ce qui est des coopératives ouvrières [...] les travailleurs sont leur propre capitaliste, c'est-à-dire qu'ils utilisent les moyens de production à la mise en valeur de leur propre travail. » (Marx, 2008: 1740)

[les coopératives de production] habituent les ouvriers à organiser, à faire, à diriger leurs affaires par eux-mêmes sans aucune intervention, soit du capital bourgeois, soit d’une direction bourgeoise (Bakounine, dans Guérin, 2012: 334)

One experiences this most personally in small-scale projects -- from bike cooperatives to free schools -- where people collectively make face to face decisions about issues large and mundane. This is not something that people in most parts of the world are encouraged or taught to do, most pointedly because it contains the kernels of destroying the current vertical social arrangements. (Milstein, 2009: 15) Pour Milstein, l'intérêt de ces initiatives, bien qu'elles soient circonstrites par les impératifs du système capitaliste, et de tous les autres systèmes de domination, réside dans l'espace qu'elles créent afin d'expérimenter de nouvelles formes de relation sociales, afin de partir de celles-ci pour les reproduire ailleurs et les étendre (Milstein, 2009, p. 67).

Démarchandisation[modifier]

= indépendance relativement « aux forces » du marché. Elle pourrait supposer des instituions d’encastrement (Polanyi). Dans une perspective réformiste (Esping-Anderson), la démarchandisation implique de desserrer l’étau de la contrainte et de l’asservissement salarial (pour soi). Elle favorise l’indépendance.

Garantie de droits sociaux, indépendants de la participation au marché (du travail) : « Si l’on confère aux droits sociaux le statut légal et pratique des droits de propriété, s’ils sont inviolables et accordés sur la base de la citoyenneté plutôt que sur celle de production, ils entraînent la démarchandisation du statut des individus vis-à-vis du marché. » (Esping-Anderson, 1999 : 34-35) ; « La démarchandisation (decommodification) survient lorsqu’un service est obtenu comme un dû et lorsqu’une personne peut conserver ses moyens d’existence sans dépendre du marché. » (Esping-Anderson, 1999 : 35)

L’impact politique de la marchandisation sur le travailleur est de lui enlever du temps pour une pratique de solidarité (cf la thèse de Pinard sur le 4e sens du travail). Au contraire, « la démarchandisation renforce le travailleur et affaiblit l’autorité absolue de l’employeur » (Esping-Anderson, 1999 : 36).

Parce qu’elle est réformiste, cette perspective reconduit le capitalisme et le colonialisme comme conditions de possibilités de cette démarchandisation relative et individuelle.

Gorz (1988), tout comme Illich (1980), mettent en évidence les enjeux liés à la hausse de la productivité. En principe, elle induit une diminution du temps de travail mais, elle provoque en réalité un accroissement de l'activité marchandisée, stratifiée.

La libération du temps de travail induite par l’augmentation de la productivité (de l’efficacité de la production) permet d’étendre le champ de l’activité économique. « La rationalisation économique est ainsi promise à pénétrer la sphère de la « reproduction » dans laquelle prévalait encore le travail domestique non rémunéré et non comptabilisé, ni même, le plus souvent, compté » (Gorz, 1988 : 16). Ce qu'Illich appelle le travail fantôme.

La démarchandisation de la vie et des pratiques sociales appelle certainement un esprit de frugalité, une limitation de la consommation. C'est que la consommation est plus que la satisfaction marchande des besoins, elle consiste en une compensation d'une intégration fonctionnelle (i.e. hétéronome) à la société. En effet, la contrainte fonctionnelle au travail n’est supportable que parce qu’elle est compensée par la consommation (richesse sociale suffisante) faisant du travail le moyen d’atteindre ces compensations. D’où « la monétarisation croissante des besoins, plaisirs et satisfactions » (Gorz, 1988 : 65).

« L’argent gagné permet une forme de satisfaction plus importante que la perte de liberté qu’implique le travail fonctionnel. Le salaire devient le but essentiel de l’activité à tel point que cesse d’être acceptable toute activité qui ne reçoit pas une compensation monétaire » (Gorz, 1988 : 65).

Je pense que c'est assez limité de penser à la démarchandisation de la perspective des consommateur-trice-s. La question est vraiment plus comment s'assurer que les mécanismes de redistributions donnent une contrepartie suffisante à celles et ceux qui les font fonctionner, ce qui est pas mal la question de recherche.

Pour ce qui est de la démarchandisation, en général, il y a une réflexion à avoir par rapport à la gratuité. C'est pas parce que c'est gratuit que c'est hors du marché. Le contrôle des informations des utilisateur·trice·s peut laisser place à une appropriation flagrante. Gmail, c'est un service qui est "démarchandisé" selon les critères plus haut. On pourrait vraiment dire que c'est compliqué de repenser la démarchandisation, mais je pense que c'est plus court de remettre la démarchandisation dans la stratégie révolutionnaire d'expropriation.

Par exemple, le logiciel applique directement les stratégies d'expropriation en fournissant gratuitement les logiciels sans chercher une rétribution. En fait, l'argumentaire du logiciel libre, c'est que la vente des biens logiciels est un construit théorique puisqu'il n'y a pas de coûts pour reproduire les productions digitales. C'est comme ça entre autres que Radiohead se sont mis à faire des albums à contribution volontaire.

Ce genre de pratique est conforme avec les pratiques révolutionnaires comme la prise au tas et l'entraide. Dans la conquête du pain il y a une longue section sur les denrées et comment dans l'ordre, après avoir fait la révolution il faut: a) documenter la bouffe qu'il y a dans la ville et s'assurer que les gens vont la chercher b) établir des échanges matériels entre la ville et la campagne et ajuster la production en fonction des besoins de la population ordinaire, c) faire une liste des maisons disponibles et faire des assemblées de quartier pour redistribuer les logements en fonction des besoins de chacun. Dans tout ces cas, on voit la logique de démarchandisation, où les choses sont distribuées plutôt que vendues.

En général, ma critique c'est que le capital procède généralement par accumulation primitive. C'est sûr qu'on peut voir que les dynamiques de colonisation passent en général par un pouvoir étatique, comme dans le cas du développement capitaliste en Amérique centrale, qui est passé par l'effacement des droits de propriété collective des terres qu'avaient les communautés autochtones comme au Mexique et au Guatemala (Paley, 2014). Mais je pense que l'argument plus haut comme quoi les gens retourneront pas se faire exploiter dans les usines peut se défendre un peu.

Dans tout les cas, il y a une réflexion à avoir sur la consommation. Est-ce qu'on va encore avoir des F-150 après la révolution? Il est là le prolétariat, les électricien-ne-s, les technicien-ne-s en imagerie médicale, pis les inhalothérapeutes.

Préfiguration[modifier]

Dans une perspective anarchiste, la pertinence des expériences d'autogestion, dont peuvent faire partie les coopératives de travail, est lue en terme de préfiguration. La préfiguration, comme définie par Kruzynski, consiste à mettre sur pied, ici et maintenant, des initiatives qui sont cohérentes avec nos aspirations pour une société libre. Ainsi, ces initiatives devraient se baser sur des principes tels que l'association volontaire, l'aide mutuelle, la démocratie directe, l'autogestion, et la remise en question des rapports de domination (Kruzynski, 2007, p. 2). Par ailleurs, ces initiatives peuvent contribuer à fournir les bases matérielles nécessaires à la reproduction des mouvements sociaux (éducation populaire, centre sociaux autogérés, garderies pour enfants, bouffes populaires, etc)(Breton et al. , 2012, p.2).

Dans une perspective de préfiguration, il est particulièrement important que nos pratiques révolutionnaires soient cohérentes avec l'idéal de société que l'on voudrait voir naître (Milstein, 2009, p. 68). Ainsi, le concept de préfiguration s'applique aussi bien à la volonté de s'organiser en groupe affinitaire sur des bases égalitaires et non-hiérarchiques dans le cadre d'une manifestation, qu'au fait de mettre sur pied des coopératives répondant à des besoins d'une communauté en particulier. Ainsi, les anarchistes contemporains (comme à d'autres époques) s'impliquent régulièrement dans des initiatives de ce type (Milstein, 2009, p. 74). Selon l'autrice, l'importance accordée à la cohérence entre les pratiques révolutionnaire vient de la vision des anarchistes de la révolution, qui ne consiste pas nécéssairement à un moment clé, après lequel les systèmes de domination seraient tous abolis, mais que la révolution se fait plutôt en continu, au gré de l'évolution des rapports de forces. Ainsi, il ne serait pas nécessairement souhaitable de sacrifier nos idéaux (la fin justifie les moyens), parce que même suite à un moment révolutionaire, des rapports de domination persisteraient et s'adapteraient.

Émancipation[modifier]

« Même la démocratie la plus ‘directe’ ou ‘radicale ne sert à rien si les sujets conçoivent a priori tous leurs actes en termes de vente et d’achat, de travail et d’argent. » (Jappe, 2019 : 17)

« Les efforts d’émancipation doivent plutôt [que d’être réformistes] tenter d’arrêter la course autodestructrice sans pilote du système et de construire des alternatives. » (Jappe, 2019 : 17)

Des rapports sociaux de proximité … vraiment !?

Pour Max Weber (1864-1920), l'avènement de l'économie moderne a conduit à une rationalisation et une dépersonnalisation des rapports sociaux. Ainsi, dans l'entreprise capitaliste les rapports formels et impersonnels du patronat aux salariés ont remplacé les rapports d'homme à homme du travail artisanal. » [1]

Penser l'émancipation à partir du travail[modifier]

Est-ce ce que font les travailleurs et travailleuses enquêtées?

Gorz[modifier]

L'auteur pose que le socialisme peut être défini comme un projet qui consiste à soumettre les pratiques économiques à des finalités émancipatrices.

"La coopération solidaire au sein des communautés et des associations volontaires est la base par excellence de l’intégration sociale et de la production de liens sociaux. C’est en partant de cette base et en l’élargissant qu’une reconquête de la société et une délimitation de la sphère économique peuvent être entreprises." (Gorz, 1988 : 199)

À partir de l'idée du communisme, chez Marx, Gorz pose que l'activité doit devenir collective "où ‘l’union volontaire’ des individus mettra la ‘collaboration volontaire’ à la place de la division capitaliste du travail et soumettra le processus social de production au contrôle des producteurs associés. Chaque individu sera ‘en tant qu’individu’, par la médiation de la collaboration volontaire, maître de la totalité des forces productives, son ‘travail’ deviendra son ‘activité autonome’ d’‘individu total’ » (Gorz, 1988 : 42).

Si les coopératives participent en acte de cette collaboration volontaire, leur inscription dans l'économie de marché dominante, limiterait leurs potentialités émancipatrices.

"Il s’agit de rien de moins que de rétablir cette unité du travail et de la vie que la rationalisation économique s’était ingénié à supprimer au profit d’une conception instrumentale du travail. L’entreprise [...] doit devenir un lieu non plus d’intégration fonctionnelle mais d’intégration sociale et de développement professionnel." (Gorz, 1988 : 83-83)

hétéronome / autonome[modifier]

Si le travail dominé dans le capitalisme se définition par l'hétéronomie - des finalités et des moyens - alors le travail émancipé doit avoir l'autonomie en son coeur.

L'hétéronomie a pour synonyme la fonctionnalité chez Gorz (1988):

« J’appelle fonctionnelle une conduite qui est rationnellement adaptée à un but, indépendamment de toute intention de l’agent à poursuivre ce but dont, en pratique, il n’a même pas connaissance. La fonctionnalité est une rationalité qui vient de l’extérieur à une conduite prédéterminée et prescrite à l’acteur par l’organisation qui l’englobe » (Gorz, 1988 : 48).

« Le type de collaboration et d’intégration dans la sphère de l’hétéronomie diffère radicalement de la coopération et de l’intégration des membres d’un groupe ou d’une communauté de travail » (Gorz, 1988 : 49).

"J’appelle autonomes ces activités qui sont à elles-mêmes leur propre fin. Elles valent par et pour elles-mêmes non pas parce qu’elles n’ont pas de but autre que la satisfaction ou le plaisir qu’elles procurent mais parce que la réalisation du but autant que l’action qui le réalise sont source de satisfaction : la fin se reflète dans les moyens et inversement ; il n’y a pas de différence entre l’une et les autres ; je peux vouloir le but en raison de la valeur intrinsèque de l’activité qui le réalise et l’activité en raison de la valeur du but qu’elle poursuit." (Gorz, 1988 : 206)

L'autonomie correspond à une capacité de contrôle sur la production et sa finalité. Elle doit déboucher dans le mode d'organisation de la société. (Gorz, 1997)

L'entrecroisement des dominations[modifier]

Les luttes sur les conditions matérielles et économiques ne peuvent pas se penser sans tenir compte des positions différenciés face et par rapport au travail, ses divisions sociales et ...

/enjeux techniques[modifier]

« Le sens de l’actuelle révolution technique ne peut pas être de réhabiliter l’éthique du travail, l’identification au travail. Elle n’a de sens que si elle élargit le champ des activités non professionnelles dans lesquelles chacun, chacune, y compris les travailleurs de type nouveau, puissent épanouir la part d’humanité qui, dans le travail technicisé, ne trouve pas d’emploi » (Gorz, 1988 : 116).

De manière ben concrète[modifier]

Le projet autogestionnaire est défendu par des socio-démocrates (comme Bernstein, critiqué par Luxembourg), des socialistes (comme Tito dans Meister), des anarchistes et des municipalistes libertaires. Même le néo-libéralisme maintient les subventions pour la création d'emploi, en particulier dans le secteur coopératif et de l'économie sociale, parce que dans les mots d'une conférence du réseau coop, "les coops survivent plus souvent à leur 5 premières années que les entreprises privées". Bref, pour éponger des fonds de création d'emploi (qu'il donneraient à des MBA qui ont des bons plans d'affaire sur papier, mais qui ne vont pas se ruiner pour maintenir des business qui marchent pas), fournir un vernis alternatif aux politiques néolibérales et aussi parce que les coops lubrifient la mécanique sociale en engageant des personnes généralement exclues de l'économie formelle et favorisent la participation sociale et communautaire, le néolibéralisme pourrait même pousser pour l'autogestion (à ce sujet, lire par exemple MacLeod et Emejuju (2014), qui montre comment c'est aussi construit d'une perspective nationaliste). Un peu comme les petites entreprises Yougoslave, c'est pas important c'est qui qui gèrent les Tim Hortons. Il y a donc des alliances possibles dans la gauche et la droite, pour ou contre l'autogestion, entre différentes tendances, perspectives et stratégies révolutionnaires.

Ce qu'on veut, c'est pas tant penser l'autogestion au niveau micro, mais au niveau macro, le travail capitaliste général en tant que forme d'organisation de la production qui contraint à toujours plus de travail. Par exemple, c'est impossible de produire du textile en Amérique du Nord, parce que les coûts de production ne sont pas rentables en comparaison aux textiles indiens. Le fait de produire ne nous libère plus de l'insuffisance matérielle, à moins de produire dans le système capitaliste, et donc dans des crénaux prédéterminés par le contexte économique.

Une des grande question porte sur le travail socialement nécessaire pour repenser la société hors du cadre capitaliste et donc de penser le travail comme acte de production. Par exemple, on a des milliers de menuisier-ère-s à montréal, qui répare et produisent des appartements, des meubles et des armoires. Présentemment, il travaillent à exclure les pauvres de leur logement en étant complice des rénovictions. On pourrait facilement penser qu'après la socialisation du parc de logement locatif, les menuisier-ère-s répareraient ce qu'il y a de plus brisé, en tentant de garder les gens en place. Dans ce contexte, ca veut dire quoi l'autogestion au niveau micro, ca veut dire quoi d'avoir des structures égalitaires dans la prise de décision au niveau des différentes entreprises, alors que les entreprises sont imbriquées dans le système d'inégalités générales. Que ca soit une coop qui passe le filage dans les nouveaux condos de HOMA ou une shop capitaliste, ca change pas la dynamique globale.

Toutefois, l'utilité des coopératives, au-delà de fournir une alternative ici et maintenant qui permet de s'émanciper individuellement, est servir au passage vers une société anarchiste. L'autogestion comme modèle agit de trois façon: en permettant une réflexion collective aux travailleur-euse-s sur leur rôle en société, en démarchandisant l'accès à la capacité de production ainsi que de permettre une formation révolutionnaire. Évidemment, ces tâches sont généralement secondaires à la production et au maintien en fonction de l'organisation, ce qui se retrouve à être le centre des préoccupation des organisations vu le contexte économique assez difficile. Bref, malgré les écueils, le fait qu'elle contribuent en grande partie à maintenir la production dans un régime capitaliste les coops peuvent avoir un réel pouvoir révolutionnaire. Concrètement, elles mettent les employé-e-s au coeur des contradictions des entreprises capitalistes (tu mets au vidange pis t'installe du neuf, parce que deux heure de gossage ca vaut plus qu'une nouvelle lampe), elles enseignent à prendre des décisions collectivement ainsi que les inégalités sociales auxquelles les membres font face et en permettant une certaine flexibilisation des prix qui représentent les valeurs des organisations (eg: tu veux pas charger autant au communautaire qu'aux MBAs qui ont des startups).

Le problème est de le comparer aux stratégies révolutionnaires typiques. Toutefois, je crois qu'une telle réflexion est maladroite, car elle prend pour acquis plusieurs pré-supposés productivistes. Premièrement, les personnes qui décident de faire des coopératives ne seraient pas nécessairement impliquées au même degré dans des structures révolutionnaires typiques, ou pourraient par exemple ne pas se sentir performantes dans les tâches typiques (entre des gens qui bossent en coop et rien, je pense que c'est mieux les gens qui bossent en coop). Deuxièmement, il y a une perte d'efficacité dans l'uniformisation des pratiques révolutionnaires. En effet, ce qui donne force à un mouvement est la capacité de rejoindre de nombreux milieux généralement externes, pas d'avoir une uniformité idéologique forte. Troisièmement, le deuxième argument s'applique à l'accès au ressources. Si on a toute pas de char, c'est moins facile que si on a toute sortent de groupe qui cuisinent, qui hébergent des sites webs, qui organisent des manifs et qui gèrent des imprimeries. Bref, l'argument de l'efficacité révolutionnaire est caduc à moins que l'on voit la révolution comme un calcul gestionnaire en personne/année.

Malgré tout, il faut nuancer la stratégie coopérative. Mais il faut aussi voir derrière l'épuisement des militant-e-s des coopératives non pas une inefficacité intrinsèque, mais une volonté politique trop grande par rapports aux capacités réelles des organisations. Le capitalisme ne s'effondrera pas à cause de 4 hippi-e-s qui servent du café, mais crisse qui vont essayer fort de faire du recyclage, du compost, de servir des trucs bio, équitables à la moitié du prix du marché dans des locaux trop cher sur des tables trouvées dans le dumpster, en empruntant à leur chum-me-s pour que ca marche. Ca donne pas la meilleure formation révolutionnaire qu'il y a, mais les solutions se ruent pas à la porte.

Transition écologique[modifier]

Références[modifier]

Esping-Andersen, Gøsta, Les trois mondes de l’État-providence (1990), PUF, « Le lien social », Paris 1999

Gorz, André, Métamorphoses du travail. Quête du sens, Paris: Galilée « Débats », 1988, 302p.

Gorz, André, Misères du présent. Richesses du possible, Paris: Galilée « Débats », 1997, 228p.

Guérin, Daniel, (2012). « Ni Dieu ni maître : Anthologie de l’anarchisme », Paris, La Découverte.

Illich, Yvan, Le travail fantôme, Paris: Seuil, 1980

Jappe, Anselm, « Préface », dans R. Kurz, La substance du capital, Paris, L’Échappée, 2019 : 5-22

Kropotkine, Pierre, « La conquête du pain » Paris, le Sextant, 2017.

Kruzynski, A. (2007). Sortir de la cage productiviste: faire la révolution en préfigurant des alternatives conviviales, autonomes et économes.

Breton, É., Jeppesen, S., Kruzynski, A. et Sarrasin, R. (2012). Prefigurative self-governance and self-organization: the influence of antiauthoritarian (pro) feminist, radical queer and antiracist networks in Quebec. Organize, 156‑173.


Marx, Karl, (2008). « Le Capital. Livres II et III » (M. Rubel, Trad.) Paris, Gallimard.

Milstein, Cindy (2010). « Anarchism and its aspirations », Oakland, AK Press.

Polanyi, Karl, La grande transformation (1943), Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, Paris 1998.