Idée
COMMENTAIRES MP: À rédiger davantage sous la forme d'une problématique, mettre en évidence les catégories/questions d'analyse. Pour moi, il manque aussi tout un pan de réflexion sur l'argent et la marchandisation.
Amener l'objet
Il y a une quinzaine d’années, quelques coopératives de travail dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) ont émergé à Montréal. Pratiquant l’autogestion, visant une clientèle d’organismes communautaires ou de petites entreprises socialement engagées, leur inscription dans l’économie locale des alternatives s’est aussi traduite par des relations de travail égalitaires et des conditions d’emploi moins avantageuses que ce qui aurait pu être obtenu, dans le même secteur, dans des entreprises typiquement capitalistes de l’économie du savoir (Tremblay, 2015).
En effet, parmi les critiques adressées au modèle autogestionnaire, l’autoexploitation revient fréquemment et elle se résume au fait d’obtenir une rémunération inférieure à celle du marché pour un travail donné (Welford, 1990). Une telle critique peut être invalidée théoriquement par Meiksins Wood qui affirme que le taux d’exploitation est constant dans une sphère industrielle donnée (Meiksins Wood, 2013) [ça n'invalide pas tellement que cette analyse se situe à un niveau méta. Sur la même lancée, on devrait dire que les femmes ne sont pas surexploitées].
Bien que plusieurs ont prédit une tendance à la dégénérescence inévitable des projets autogestionnaires (Meister, 1964), il reste qu’une des solutions présentées en réponse est « celle de la « destruction créative » consistant à dissoudre l’organisation originelle dès l’apparition des premiers signes de dégénérescence » (Canivenc, 2012, p. 24). De plus, il reste que les tentatives de projets de coopératives de travail émergent toujours, que l’on pense aux expériences récentes de la coop des Récoltes, de la Place Commune, de la Coop de traduction l’Argot ou du Café Rond-Point, qui s’inspirent des expériences autogestionnaires.
Plus récemment, de nouveaux espaces de travail se sont propagés partout dans le monde mais surtout en Amérique du Nord (Lallement, 2015). Espaces high-tech de travail spécialisé où se pratiquent le bidouillage, le hacking ou le making [faire] (Scaillerez et Tremblay, 2017), les hackerspaces constituent une forme de communauté de participation bénévole à la réalisation collaborative de produits en contradiction aux formes dominantes de la marchandise (Grenzfurthner et Schneider, 2009; Anonyme, 2016).
Dans ces lieux de travail, de nouveaux rapports sociaux de travail sont inventés, réfléchis et mis en pratique (Cleach et al., 2015). Ils alimentent ainsi une critique active du travail salarié et du capitalisme, tout en contribuant aussi, de plus en plus, à grossir le réservoir des possibles visant à instaurer des formes de vie et d’activités socio-économiques plus justes et écologiquement soutenables (Kurtz, 2011; Granier, 2013 ; Ellul et Charbonneau, 2014). Il nous apparaît pertinent de prendre la mesure de ces expérimentations dans le contexte de la crise écologique, dont l’économie politique capitaliste est largement responsable (Psao, 2009; Fraser et Jaeggi, 2018; Pineault, 2019 ; Abraham, 2019), et nous cherchons à savoir comment se matérialisent ces enjeux d’émancipation et de transition écologique dans ces espaces high-tech d’expérimentation de nouvelles formes de travail.
Ces espaces de travail ont surtout été étudiés sous l'angle de leur dynamique organisationnelle: Plusieurs études sur les coopératives de travail tendent à décrire la situation à l’intérieur de ces espaces, que l’on parle des travaux dans la lignée de ceux du CRAC-Québec (Roy, 2019) ou des travaux du CRISES sur l’autogestion (Canivenc, 2012).
Poser l'objet
Quel type d'entreprises?
Coopératives engagées, high tech + NTIC (+restauration et bar? + traduction?)
Hackerspace, fablab.
Communauté liée par une monnaie alternative et réseau type SEL (accorderie)
Les dynamiques marchandes
A contrario des démarches qui s'intéressent aux dynamiques organisationnelles dans les entreprises alternatives, nous nous intéressons à leurs pratiques économiques: non pas tellement à leur visée de générer du profit en soi (mais en étant tout de même sensible aux défis posés relativement à la pérennité des entreprises), mais surtout aux modes et aux niveaux de rémunération qu'elles mettent en place et aux coûts des services qu'elles offrent. + pratiques d'expérimentation sur la valeur et la monnaie.
Q: comment ces pratiques s'inscrivent-elles dans une visée de démarchandisation de la vie, des activités (du travail) et des échanges?
Situer l'objet dans son contexte
Toutefois, la nature anti-capitaliste de plusieurs de ces initiatives amène une interprétation des dynamiques sociales générales qui considèrent que les coopératives sont une articulation stratégique entre une guerre de mouvement (passant par les pressions syndicales et l’action des mouvements sociaux) et une guerre de position (reprenant la gestion d’espaces et de structures, notamment pour la diffusion d’idées révolutionnaires). Pour encore une fois faire une caricature, l’idée n’est pas de travailler tellement fort jusqu’à ce qu’il soit possible d’acheter les moyens de production présents dans la société, mais plutôt de profiter de la lutte contre l’exploitation dans certains secteurs de l’économie, comme la dénonciation de la malbouffe, en profitant du momentum pour mettre en place des initiatives alimentaires collectives. Le but est de garder une perspective révolutionnaire dans les coopératives, de manière à offrir un soutien aux mouvement sociaux dans une perspectives de libération collective. C’est la fine ligne sur laquelle marche l’autogestion, entre une mort économique, dans laquelle une coopérative ne peut plus sembler une option de travail raisonnable pour suffisamment de personnes afin de se maintenir dans le temps, et une mort politique où l’autogestion meurt effectivement de sa déconnexion politique de sa critique de l’exploitation capitaliste.
De plus, il y a dépassement des objectifs politiques dans plusieurs sens. Premièrement, la sensibilité aux enjeux environnementaux et sociaux se manifeste par des choix concrets qui peuvent sembler réformistes et sans conséquences, comme l’utilisation de papier recyclé ou une ouverture plus grande à la différence. Les individus étant moins en compétition les un·e·s avec les autres, il·le·s expriment leur réalité de manière plus transparente, que l’on pense aux menstruations, aux orientations politiques, au fait de mentionner l’observance du Ramadan ou l’orientation sexuelle. Ces situations amènent un coût de formation et d’adhésion politique au sein du collectif, puisqu’il est de la responsabilité collective de s’assurer l’ouverture et du respect de tou·te·s et chacun·e. Cette responsabilité sociale permet de voir l’invisibilisation de la différence dans des contextes « normaux » de même que l’absence de prise en compte écologique des pratiques entrepreneuriales communes. Il s’agit d’un autre bénéfice caché qui peut être une condition importante d’adhésion à des projets autogestionnaires, le fait de pouvoir être qui on est de manière ouverte. Cet aspect sera appelé les valeurs sociales des coopératives plus loin.
Encore une fois, cette thèse peut être remise en question, puisque la fine ligne est justement fine : lors des écueils, les structures autogestionnaires tendent justement à sacrifier les valeurs politiques et sociales, ou la formations sur ces valeurs politiques et sociales. De ce fait, il est bien possible que les coops se retrouvent effectivement à faire le jeu de l’abaissement des salaires en ayant internalisé sacrifices après sacrifices au nom de la rentabilité à court terme. Il semble que pour faire un travail utile aux militant·e·s autogestionnaires, il faudrait tenter de travailler sur des pistes permettant de répondre à ces questions.
Toutefois, il ne peut s’agir d’observer la mécanique de l’autogestion de l’intérieur comme le font les études précédemment mentionnées, mais plutôt d’observer l’écologie autogestionnaire dans son milieu, au sein de l’« existence of a shared political culture amongst anti-authoritarian groups and collectives » (Roy, 2019, p. 91). Il semble que de positionner les projets politiques dans l’historique des luttes collectives permet de réfléchir sur la guerre de position et la guerre de mouvement gramscienne, de manière à décloisonner ces espaces de lutte dans une continuité autogestionnaire. Ainsi la fin d’une expérience autogestionnaire peut mener à d’autres projets selon les opportunités d’une période ou d’un contexte, et il importe d’étudier des projets vivants ou morts, de manière à tenir compte de leur évolution structurelle et de l’adaptation des projets aux contextes politiques et sociaux. De plus, l’écosystème autogestionnaire suit donc les trajectoires fluides des individus et la littérature sur l’autogestion mentionne les apprentissages continuels comme un des bénéfices des pratiques autogestionnaires (Roy, 2019, p. 78). Les individus arrivant à différents moment de leur vie dans les projets autogestionnaires, il est possible que ceux et celles-ci tirent un apprentissage et partent après avoir fait une contribution raisonnable à la formation d’autres personnes à posteriori. En observant les effets, positifs ou négatifs sur les individus pendant ou après leur départ, il est possible d’avoir une perspective plus large sur le fonctionnement autogestionnaire en tant qu’espace.
Ainsi, l’effet propre des initiatives autogestionnaires se doit d’être fait en observant a) l’internalisation et le développement des valeurs autogestionnaires et sociales durant après le passage dans les organisations autogestionnaires, b) la réalisation du mandat politique et des valeurs sociales par les organisations, c) la facilitation de la participation à la lutte de mouvement dans le contexte du travail en coopérative et d) la désillusion par rapport aux valeurs autogestionnaires et sociales. En tenant compte de ces quatre aspects, il semble qu’il est possible d’arriver à une évaluation relativement complètes de l’effet des coopératives dans un contexte donné.
Autoexploitation, sous-rémunération
Autoexploitation:
Définition:
Conditions de l'autoexploitation:
Remarques:
Les avantages à côté:
Les avantages reliés au modèle coopératif peuvent compenser en tout ou en partie ce désavantage, comme l’impression d’un travail plus émancipateur, la flexibilité souvent associée à la participation à la prise de décision collective et le développement d’habitude autogestionnaires dans la société générale (Roy, 2019).
À relativiser / au contexte
Malgré tout, le travail dans les coopératives s’imbrique dans un système à dominante capitaliste et l’exploitation, si elle se produit effectivement à un salaire moindre, amène tout de même une perte de droit à la richesse sociale, mais surtout le développement d’une pression à la baisse sur les salaires, qui annule les effets positifs des coopératives.
Bibliographie
Canivenc, S. (2012). Centre de recherche sur les innovations sociales.
Meiksins Wood, E. (2013). L’origine du capitalisme : Une étude approfondie. http://sbiproxy.uqac.ca/login?url=http://international.scholarvox.com/book/88815723
Meister, A. (1964). Socialisme et autogestion, l’expérience yougoslave (Seuil).
Roy, M. (2019). Getting rid of the boss for building postcapitalist futures : How non-hierarchical work practices of two Quebec-based initiatives impact livelihoods [Mémoire de maîtrise, Concordia University]. https://spectrum.library.concordia.ca/985144/
Welford, R. (1990). The Co-Operative as a Fringe Firm and the Notion of Self-Exploitation. International Small Business Journal: Researching Entrepreneurship, 8(3), 39‑48. https://doi.org/10.1177/026624269000800303