Workers and Capital

De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
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J'avais acheté à la suite de la lecture de Cukier, Le travail démocratique. Le livre est une collection d'essais publiés dans un journal tenu par Tronti. Le niveau de complexité est très haut, et j'essaye de faire des résumé par section, parce que c'est un gros monstre de théorie ce bouquin. Dans l'introduction, on parle de faire une science du prolétariat, c'est-à-dire de reconstruire la science autour de l'ontologie du prolétariat, en assumant que la science bourgeoise ne permet que de reproduire le système capitaliste. On peut en faire des parallèle intéressant avec Mannheim (Idéologie et Utopie), au sens que la position de classe détermine la conception du monde.

Le premier chapitre consiste en une description de la tâche à faire, c'est-à-dire de purifier le marxisme, en revenant au cœur de l’œuvre soit le capital. Le but est de repenser le marxisme pour éviter les tendances petites-bourgeoises de la sociologie et de l'économie. La fondation politique devrait être la fondation d'un parti des travailleurs (peut-être travailleur-euse, mais c'est pas particulièrement clair).

Le deuxième chapitre s'intitule usine et société. Il rapporte que l'usine ne conditionne pas que le rapport de production, mais la société en général. Il illustre la généralisation de la situation par le fait que la loi sur les usines en Angleterre vient limiter la longueur de la force de travail. Se faisant, on passe de la création de plus-value absolue (l'augmentation de la journée de travail) à une création de plus-value relative (l'augmentation de l'intensité du travail). La société en retour est marquée par ce rapport de production qui se nourrit de lui-même. Il est donc important de penser que le travailleur-euse sont une part du capital en tant que tel, et non pas détachés. C'est la force de travail en tant que marchandise qui devrait être vu comme l'ennemi. Il annonce à la fin que l'état, l'usine et le capital sont désormais les ennemis. Je ne crois pas que le texte est beaucoup plus clair et articuler que ce résumé. J'ai souvent l'impression d'autant rien comprendre que quand j'ai essayé de lire la phénoménologie de l'esprit.

Chapitre 3: le plan du capital. J'ai lu une première fois, mais je ne crois pas avoir compris, ni même vu ou compris les articulations qui lient les parties du texte ensemble. On amène d'abord la thèse de Meiksins Wood comme quoi le niveau d'exploitation tend à s'égaliser (elle le mentionnait pour une branche de la production donnée). Toutefois l'argument se base plutôt ici sur la séparation entre la production industrielle qui sert à reproduire la force de travail et la production industrielle pour le capital. L'enchevêtrement des trois circuits de capitaux dans le tome 2 du capital amène à cette égalisation des taux de profits pour les capitalistes. Ensuite cette égalisation des taux de profits amène une opportunité révolutionnaire en faisant du capital des blocs de propriété qui sont égalisés de manière aliquote (son mot) par le capital. En citant le volume 37 du MECW (une version anglaise et/ou un projet dérivé de la MEGA (Marx-Engels-Gesamtausgabe) ; il s'agit en fait d'une édition batard du volume 3 du capital), il arrive a une possibilité de faire de se capital un capital cogéré par les employés. Ca ressemblerait à l'attentisme (la théorie où il faut attendre que le capital finisse de se concentrer pour simplement avoir à tuer un seul capitaliste pis faire le socialisme), mais en plus mystifié. On fini en disant que la socialisation du capital présentée facilite une autogestion ouvrière. À la page 47, il y a une description du capital social, tirée du volume 37 du MECW (le capital volume 3: https://en.wikipedia.org/wiki/Marx/Engels_Collected_Works [1]). On voit quand même le fil avec les arguments précédents: le capital est plus social, l'usine fait la société, la reproduction (dans le sens marxiste aféministe) et la production sont lié, mais on reste concentré sur la production et l'élaboration d'un plan révolutionnaire ouvrier.

Chapitre 4: Lenin in England, blah blah blah, classe ouvrière, organisation, parti. Le programme commence déjà à rammolir: il faut orienter le réformisme du capital dans les intérêts du réformisme de la classe ouvrière. Il cite Marx pour dire les tactiques sont gérées par les syndicats, la stratégie par le parti. Il propose de faire un organe ouvrier qui théorise les conséquences des luttes ouvrières en cours.

Chapitre 5: plus du même, cette fois sur la question des tactiques. Utiliser les points forts de mobilisation et ne pas éviter les conflits lorsque l'on doit perdre. C'est mieux de perdre en s'étant battu-e-s.

Chapitre 6: l'auteur se donne plus la peine de faire des paragraphes. On discours sur la stratégie, sur le contexte italien de la lutte ouvrière et le contexte précis. Il remarque que c'est mieux d'aller à l'offensive quand on est pas sur que le patronnat va attaquer, histoire de choisir les endroits où les luttes vont se produire. On parle des partis ouvriers à supporter en Italie dans les années 60s.

Chapitre 7: classe et parti. On discute des stratégies d'arrimage entre la lutte économique (syndicale) et politique (partisane). On parle du parti, qui fait la synthèse entre les deux, et de différentes courroies de transmissions, une métaphore qui revient dans l'ouvrage. Il dit que les bourgeois sont prêt-e-s à des compromis, que la droite est rendue socio-démocrate et qu'il faut pousser pour éviter que le parti communiste devienne social-démocrate lui-aussi. Il n'explicite pas la tension, mais dit que le but c'est de d'empêcher la stabilisation du capitalisme avancé, donc probablement de fournir des garderies pis des soins de santé. On parle aussi de la stratégie gramscienne de bloc historique, mais c'est une critique et il aurait fallu que je lise Gramsci.

Chapitre 8: Marx, force de travail et classe ouvrière. Ca semble être un méta-chapitre qui comprend les 14 sections suivantes. L'auteur fait la génèse du concept de force de travail et montre que ca existe avant les manuscrit de 1844, chez Ricardo et chez Hegel. C'est la force de travail qui amène la constitution du concept de classe ouvrière.

8.1: Ricardo et Hegel. Le point général c'est que le concept de force de travail chez Marx combine la conception de Hegel du travail comme médiation et la conception de Ricardo du travail comme source de la valeur. C'est en combinant les deux qu'il a pu arriver à décortiquer la valeur du profit de la richesse et l'échange du travail et de la force de travail.

8.2: L'échange de l'argent pour du travail. Ici, il est plus marxiste, c'est plus facile de voir les fils qui dépasse des coutures. Il arrive à la base avec une conception de la force de travail proudhonnienne, c'est-à-dire qui voit dans l'aspect collectif du travail la source de la plus-valeur[2]. Donc au moment de l'échange de la force de travail pour de l'argent, on réalise la survaleur. Mais on se rappelle de Marx et du temps de travail socialement nécessaire: la personne qui passe le balai dans l'usine contribue aussi à la production de survaleur même si elle ne participe pas directement à la production des produits finis en tant que tel. L'auteur fait quelque culbutes pour dire que la production de la survaleur ne peut se faire qu'avec le capital[3]. L'auteur fait d'autre culbute pour dire que la classe ouvrière précède la classe capitaliste[4]. Donc le capital a instrumentalisé la classe ouvrière (et on n'insiste pas tant sur sa relation de dépendance économique avec la production), et la classe ouvrière peut s'émanciper du capitalisme. On a pas fait trop de kilomètre depuis le point de départ...

8.3 Critique de l'idéologie. On fait une définition négative de l'idéologie en définissant le socialisme bourgeois. Pour lui il peut y avoir un oppression capitaliste sans classe capitaliste.

8.4 Woe to June! On fait une historique de l'insurrection de 1848, qui vont amener le 18 brumaire et les luttes de classes en France pour Marx, en disant que sa perspective de journaliste à la nouvelle gazette rhénane (l'auteur parle allemand, Neue Reinhische Zeitung) lui amène à dégager des lois pour l'action politique des luttes de classes.

8.5 Les aspects particuliers de la marchandise force de travail. Ici, on explique comment la valeur d'usage de la force de travail permet de créer la survaleur vu sa différence avec sa valeur d'échange (qui tend à se positionner avec le prix des subsistances). C'est une pas trop pire explication, mais ca reste qu'on insiste sur la force du travail.

8.6 Le travail productif. On fait un argument général encore une fois pour prouver que la classe ouvrière vient avant la classe capitaliste. Ca va dans tout les sens, c'est verbeux, l'auteur fait un paragraphe par 4 pages. Il arrive à la conclusion que l'idée de révolution est le résultat de la définition politique de la classe ouvrière après 20 pages qui font pas trop de sens.

8.7 Qu'est-ce que le prolétariat. Ici on fait une distinction, qui émerge de la section précédente, entre le prolétariat et la classe ouvrière. C'est pas trop théorique parce que l'auteur tire beaucoup des "Luttes de Classes en France", du "18 brumaire" et des lettres de Marx a Kugelman (particulièrement la préface de Lénine de cet ouvrage). Il dit que Lénine dit que ca peut valoir la peine de mener des batailles qu'on ne sait pas si on peut gagner. On fait évidemment une grosse abstraction de la classe ouvrière, comme si c'était un groupe unifié.

8.8 La forme de la lutte. On commence a tirer des conclusions pragmatiques de ce qui a été mentionné plus haut. L'individu face à la classe capitaliste, dans la relation d'emploi est à la fois faible individuellement et fort collectivement. Mais les luttes qui n'éliminent pas le capital le renforce, même les luttes pour la réduction de la journée de travail. En effet, à partir du Factory Act de 1833 en Angleterre, avec la fin de la plus-value absolue (qui n'est pas mentionné en concept ici), on arrive à renforcer la dynamique capitaliste générale en demandant de trouver des façons qui augmentent l'intensité de l'exploitation. Les réformistes essayent de ramener l'exploitation à une question de distribution, ce qui est intenable vu le pouvoir du capital sur le contrôle de la force de travail. En général, si les travailleur-euse-s ne sont pas en contrôle des victoires politiques obtenues, iels n'ont pas gagné. On peut trouver des indices sur la forme de la lutte dans une science de la résistance, qui part du marxisme.

8.9 le travail comme non-capital. On montre que pour Marx, le travailleur dans les grundrisses présentent le travailleur en 4 moments. Premièrement comme non-travailleur pauvre. Deuxièmement comme travailleur comme possibilité de profit, la négation du non-travailleur. Troisièmement, le travail agit comme ferment dans le capital fixe, le capital variable, le travailleur agissant dans le moyen de production. Finalement le travailleur devient une nécessité pour le capitaliste, la dépendance du capitaliste. Dans cette danse entre les 4 moments nait la possibilité de la grève, et c'est pourquoi la grève c'est bon. Wow, c'est comme si l'auteur s'excuse de nous avoir fait subir les chapitres précédents.

8.10 La théorie du travail comme valeur comme consigne (Watchword). On part ici de l'opposition des socialistes prémarxistes: "le travail crée toute la richesse" à la conception marxiste: "le travail est un étalon de mesure de la valeur". On voit qu'en complexifiant on peut mieux comprendre la profondeur du processus de travail, la présupposition du capital. Ca amène un refus du réformisme: on ne peut plus penser le travail sans le capital.

8.11 La classe. La seule vraie classe est la classe ouvrière. La classe ouvrière existe avant la formation d'une classe capitaliste. La classe capitaliste se forme pour exploiter sa puissance. La classe capitaliste est beaucoup moins unie. La classe ouvrière existe dans et par son conflit avec la classe capitaliste, donc il faut se mettre au service du conflit.

8.12 La stratégie du refus. En gros, on justifie la grève comme arrêt de travail, et ca mène au fait qu'il ne faut accepter les compromis, qu'il ne faut pas stabiliser la relation d'exploitation capitaliste, qu'il faut au contraire demander tout le pouvoir, et le parti des travailleur prenne la forme de l'état ouvrier du futur. On est presque dans une préfiguration anarchiste, mais clairement communiste.

8.13 Les tactiques sont l'organisation. p. 267 il dit "Theory is anticipation. Politics is intervention", pis ca résume le truc. Les tactiques sont aussi importantes que la stratégie, et la stratégie est aussi importante que la théorie. Ca se peut de faire une erreur théorique mais un bon coup politique, et il faut savoir le faire. La tactique s'applique dans le quotidien du parti.

8.14 La lutte contre le travail. Enfin, il faut construire le parti qui va nous mener à renverser le travail. C'est lié à la double nature de la valeur, au rôle du travailleur comme capital et comme force indépendante.

Postscript: un postscript de problème. En 1970, Tronti récrit un peu pour cadrer la situation de la classe ouvrière italienne. Il fait le tour de l'Angleterre et de l'Allemagne avant de parler très longuement des États-Unis et comment la lutte de classe a été la plus victorieuse. Je pense qu'il essaye de dire à mot couvert que c'est pathétique comment les travailleur-euse-s états-unien-ne-s, sans leadership politique révolutionnaire, se sont enrichis au dépens du reste de la classe ouvrière mondiale, particulièrement dans les années de guerre. C'est toutefois pas dit explicitement. Ca fait un pas trop pire retour, et ca contredit l'argument des Wobs que c'est le Wagner Act qui a tué le syndicalisme industriel, alors que cet accord date de 1935 et les luttes ouvrières ont continué de fonctionner malgré le Wagner Act. Pour Tronti, l'Italie est dans la situation des États-Unis des années 30, et il faut s'assurer de transposer la lutte économie en lutte politique.

Notre opéraïsme: un genre de conclusion écrite en 2009 par Tronti. Ca met le contexte aux textes présentés, qui explique que souvent les textes étaient tirés de la revue Quaderni Rossi, où Tronti écrivait. Ca donne un peu de contexte, ca explique que ca essaye de créer un marxisme non-orthodoxe qui remet l'ouvrier au centre. Ca dit que le point central de l'opéraïsme c'est de mener la lutte là où les forces sont les plus grandes, de ramener la question stratégiques et tactique au centre. Ca finit en disant que les capitaliste ont brisé la chaîne de résistance anticapitaliste là où elle était la plus faible, en Russie, et désormais il n'y a plus de résistance possible.

  1. Dans le tome 3 du capital, il y a un chapitre intitulé Égalisation du taux moyen de profit par la concurrence. C'est pas mal mieux à citer que Meiksins Wood pour le même argument (elle le mentionne au passage).
  2. Voir par exemple Pierre Ansart, sociologie de Proudhon
  3. En fait oui, ca prend un capital pour extraire une survaleur, mais il le dit au sens où le procès de travail ne peux exister sans le travail. C'est au contraire la présence de moyens de productions qui permettent de réaliser la production dans au rythme requis par le mode de production dominant, pas la présence d'une classe capitaliste.
  4. Mais ici il a même pas besoin, on se rappelle de la première phrase du manifeste: "L'histoire, c'est l'histoire de la lutte des classes"