Regard alternatif sur une économie alternative : connaissances économiques d’entrepreneur-e-s québécoise-s en coopératives de travail

De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
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Critique de l'étude de l'économie sociale en sciences sociales et présentation de prémisses théoriques alternatives[modifier]

Très bref historique de l’économie sociale et solidaire; exploration de typologiques internes : selon sa forme juridique. Toutes ces formes partageraient néanmoins une même visée : ces différents types d’initiatives d’ÉSS seraient tous unis par une finalité commune d’émancipation et d’éducation, par des principes d’engagement volontaire et de visée d’indépendance économique, par des valeurs d’égalité et de solidarité (Rivert-Préfontaine, 2017 : 6)

Critique des conceptualisations de l’économie sociale[modifier]

Objet : En prenant pour point de départ des exemples de discours académiques tenus sur l’économie sociale, je souhaite dans un premier temps interroger certaines limites posées à sa compréhension par les prémisses théoriques fondant une importante proportion des analyses faites à son sujet. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 7)

Points de convergence : la rationalisation comptable et les outils de gestion, le rapport salarial, et le recours à une valeur d’échange comme la monnaie. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 7)

Par conséquent, les principales différences que représente l’économie sociale par rapport à l’économie dominante (capitaliste) relèvent des formes juridiques de l’entreprise qui s’y déploient, non moins que des représentations.

Représentations d’autant plus acharnées que l’entreprise capitaliste se targue déjà d’en récupérer les modes opératoires, soit en favorisant des relations de travail plus cool, soit en développant leur inscription communautaire.

Typologie des modes d’accès aux ressources économiques de Polanyi (Rivert-Préfontaine, 2017 : 10), conception fondée sur une substantialisation de l’économie (répondre aux besoins humains, relation de dépendance à la nature) : échange, redistribution, réciprocité.

Critique des notions d’encastrement et de dé- ou ré-encastrement, comme si elles empêchaient de bien saisir, historiquement, les relations entre les différentes institutions.

La conséquence que cela implique, conceptuellement, par rapport à l’objet économie sociale , c’est qu’il faut concevoir cette dernière non pas en marge de (ou subversive) l’économie dominante mais en relations avec celle-ci.

Par exemple, les organismes communautaires prestataires de services et sous-traitants de l’État sont sommés de rendre des comptes en se conformant à l’esprit de la NGP. Dans le cas de l’économie sociale au Québec, la référence ‘comptable’ à l’utilité sociale tend à réaliser cet amalgame.

Rivet-Préfontaine s’attarde ensuite à la référence au social, qui serait absente de l’économie dominante et caractéristique de l’économie sociale. Il la reprend par le bout de l’encastrement et argumente que les pratiques économiques sont toujours insérées dans des institutions et des rapports sociaux historiques.

L’économie sociale est donc basée sur une idée hallucinée de son surplus d’humaniste, en postulant que l’économie dominante n’en a pas. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 21)

En somme, la spécificité de l’économie sociale est-elle surtout symbolique?

Question de recherche[modifier]

p.30 –

Objet que je partage entièrement :

Ce sont donc les représentations sociales d’entrepreneurs en coopératives de travail dont je privilégierai l’étude. Mon ambition est d’étudier les façons dont les entrepreneurs menant ces projets se représentent les activités marchandes auxquelles ils prennent part et le monde économique dans lequel celles-ci s’inscrivent, ainsi que la façon dont ces représentations de l’économie sont mises en rapport avec d’autres types de logiques sociales. Il s’agira donc d’explorer des modalités possibles d’articulation de représentations de l’économie à des notions renvoyant à des sémantiques sociales distinctes (Vergès, 2003). (Rivert-Préfontaine, 2017 : 31)

Méthodologie[modifier]

Définition de coopérative, p.32

Répertoire des coopératives de travail, voir Ministère de l’économie, des sciences et de l’innovation du Québec (MESI); Réseau de la coopération du travail du Québec

Analyse[modifier]

Portant sur les discours étudiés se rapportant aux différentes expériences sociales de l’économie vécues par les personnes au cours de leur vie et particulièrement celle au moment où ils et elles œuvrent dans des activités coopératives. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 47)

Une visée d’inscription dans un monde communautaire, plutôt qu’en vue du profit :

Si les relations de travail développées à l'origine s'apparentaient à celles que l'on pourrait retrouver dans une entreprise capitaliste conventionnelle, leur façon de parler des liens commerciaux développés à cette époque ne laissent cependant pas transparaître, pour leur part, une volonté de maximisation du profit. Il importe d'abord que la clientèle avec peu de moyens financiers bénéficie d'un service de qualité, sans que la coopérative encaisse de déficit. Plus encore c'est un lieu social qui est identifié, soit le quartier populaire dans lequel est située l'entreprise, et au sein duquel les relations avec cette clientèle se sont progressivement développées. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 52)

Le marketing ciblant la clientèle socio-communautaire s’accompagne d’un ciblage vers les clients fortunés, afin de faire tourner la boîte.

plusieurs entreprises projettent et développent effectivement des relations économiques de diverses natures avec d'autres organisations revendiquant spécifiquement une appartenance à ce qu'ils nomment l'économie sociale. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 55)

Le 2e cas confirme ces propos relativement à la capacité d’offrir des services abordables à des gens de la communauté. Orientation ayant changé à la suite d’un déménagement. Apparaît alors un discours plus économiciste.

Dans le 3e cas, l’entreprise reprend d’emblée le discours économiciste. Le volet coopératif se distingue néanmoins dans la qualité du travail (déterminant du profit), la responsabilité en ayant été partagée entre tous les coopérants. Les coopérants acceptent aussi de prolonger leurs heures au-delà de leur chiffre normal. Cette coopérative opère une « filiale » intégrant une main-d’œuvre en situation de handicap (elle relève de ce fait de l’économie sociale), ce qui joue, sous certains aspects, comme un avantage concurrentiel (moral).

Évocation d’un label Commerce solidaire, mais sans précision de la différence de prix ou autres. De plus, ce réseau ne suffit pas à écouler la marchandise, c’est alors le marché régional qui est le terrain de ventes. Dans ce cas, le type de l’entreprise peut jouer en faveur de son image (achat local, éco-responsable) :

L’image de responsabilité sociale d’une entreprise devient ainsi dans ce cas un enjeu compétitif qu’il est possible, pour Robert, de faire prévaloir dans certains marchés locaux au bénéfice de sa coopérative. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 68)

Dans le 4e cas, la concurrence oblige à baisser les prix, donc les salaires. Selon l’auteur, pourtant, le modèle coopératif devrait favoriser des conditions d’emploi avantageuses pour les salariés : Il n’est pas dans l’intérêt individuel des membres d’une coopérative que leurs conditions de travail et de salaire soient menacées. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 71)

Relativement aux conditions d’emploi (salaire, avantages sociaux, heures), les commentaires de l’auteur vont dans le sens d’un intérêt individuel, celui d’une redistribution des profits générés par l’investissement de soi dans la coopérative, et jamais dans le sens d’une auto-exploitation. Donc, il y a un extrait (p.72) qui évoque une baisse de salaire pour gagner un contrat, mais sans que ce contrat soit rapporté à un objectif social, c’est l’intérêt du contrat qui est évoqué, sans autres précisions. L’auteur souligne néanmoins le manque de cohérence entre les deux postures (intérêts individuels c. sacrifice salarial). Ce qui justifie ces baisses de salaire, c’est la préservation de l’emploi (Rivert-Préfontaine, 2017 : 73).

Les entretiens révèlent d’autres finalités importantes du maintien de l’activité sous sa forme coopérative : promotion de la culture, de la langue française, du patrimoine, etc.

Le 5e cas est paradoxal : il s’agit d’un franchisé dans le secteur de la restauration. La coopérative de travail n’est alors qu’un moyen de partager les profits (et de discipliner les travailleuses et travailleurs).

J’apprends que dans une coopérative de travail, les ristournes sont fonction des heures travaillées.

Le 6e cas nous perd dans le démarchage de marché mais on tombe aussi sur cela : Certains des membres de coopératives rencontré-e-s expriment plus ou moins explicitement leur volonté de participer à un certain changement social à travers les activités de leur entreprise. Cette volonté se manifeste notamment dans l’enthousiasme exprimé à l’idée de favoriser les partenariats économiques de diverses natures entre entreprises se revendiquant de l’économie sociale. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 81)

Le 7e cas, une entreprise médiatique, présente le témoignage d’une salariée qui accorde de l’importance à la concordance entre son travail et ses valeurs de gauche. La coopérative affiche clairement son orientation idéologique et privilégie des clients du communautaire. Concrètement, l’entreprise doit répondre à sa double mission de s’inscrire dans son milieu communautaire et de favoriser l’emploi pour des personnes qui y auraient difficilement accès. Par conséquent, dans la facture aux clients normaux, il y a une surfacturation (le profit) qui est engrangée pour des projets spéciaux offerts gratuitement à des groupes dont la coopérative partage les valeurs. La grille de prix dépend elle-même du profil du client. Puis, à un moment, les travailleuses et travailleurs eux-mêmes ne comptent ni ne facturent leurs heures. (Rivert-Préfontaine, 2017 : 83) Pour ce qui est du salaire proprement dit, il est à l’heure et strictement égal entre tous. Les heures supplémentaires non payées sont justifiées par le projet du client, plutôt que pour d’autres raisons (croissance de l’entreprise ou amélioration de la rémunération des salariés).

Ce qui ressort le plus des entretiens c’est le lien entre la motivation au travail et le type d’entreprise. La coopérative favorise la motivation en raison des motifs intrinsèques : le travailleur n’a pas le sentiment de travailler pour un tiers, mais pour son propre bien-être ou ses valeurs et du coup il peut s’y investir davantage.

Dans l’entreprise 7, il y a un fort taux de roulement du personnel. Le statut des salariés y est celui de travailleur indépendant à contrat! (Rivert-Préfontaine, 2017 : 86)

Le 8e cas est aussi celui d’une coopérative à vocation sociale et ne souhaite servir que des clients socialement engagés. Parce que cette clientèle ne permet pas de générer suffisamment de revenu pour payer les salaires, une partie de ceux-ci vient de subventions salariales. Pour toucher d’autres subventions, la coopérative s’est subdivisée en OBNL. Le but des deux entités est de créer de l’emploi pour leurs membres (Rivert-Préfontaine, 2017 : 88), mais encore une fois dans des emplois qui correspondent à leurs désirs culturels et sociaux.

La 9e coopérative a aussi beaucoup profité des subventions au cours des 6 premières années de son existence. Ici encore, ce qui est mis de l’avant c’est la finalité de la coopérative, celle d’offrir des occasions de créations culturelles.

Synthèse[modifier]

La faiblesse des références aux alternatives économiques :

L'encouragement de l'économie locale, l'amélioration des conditions de travail, la protection de l'environnement, ou plus abstraitement encore le changement social , sont autant d'enjeux identifiés par les répondant-e-s et pouvant être reliés aux préoccupations proclamées de l'économie sociale (Draperi, 2011 ; 2014). Mais aucune des personnes interviewées ne leur a accordé une importance égale – aucune ne les a même tous mentionnés – et il serait périlleux de soutenir que les modalités concrètes identifiées pour en traiter seraient identiques dans les cas où un même enjeu a été abordé par plus d'une personne. Par exemple, la visée de changement social mise au centre de la mission des Productions du parc est-elle assimilable au renouveau capitaliste dont parle Guillaume d'Archives coop? Alors, peut-on parler d'un potentiel de généralisation si le principal élément qui donne leur cohérence à une telle variété de représentations et de pratiques est le fait même qu'on leur accole l'étiquette d'économie sociale, négligeant le fait que certains pans des définitions formelles de ce « mouvement » sont absents des discours et des pratiques? (Rivert-Préfontaine, 2017 : 99)

Références supplémentaires[modifier]

DRAPERI, Jean-François. Comprendre l’économie sociale: fondements et enjeux, Paris, Dunod, 2014.

———. L’économie sociale et solidaire, une réponse à la crise?: capitalisme, territoires et démocratie, Paris, Dunod, 2011.

———. « L’entrepreneuriat social, un mouvement de pensée inscrit dans le capitalisme », Rev. Int. D’économie Soc., 2010.