Rapport au travail et sens de l'activité

De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
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Alors qu'on a longtemps évoquer les significations du travail ou l'éthique qui normalise le travail (Weber), le nouveau concept de rapport au travail voudrait rendre compte de cette dimension symbolique ou culturelle du travail. En effet, il ne suffit pas de contraindre les individus au travail, sous le joug des impératifs matériels. Encore faut-il que cette contrainte trouve un sens dans leur existence. Par conséquent, il ne s'agit pas de rabattre le rapport au travail sur l'enjeu de la légitimation - le consentement à la contrainte - puisque la question du sens n'est pas qu'une fonction de la domination. Bien souvent, au contraire, le sens reste indépendant des pratiques sociales qu'il interprète. ... (revoir et questionner la thèse de Goldthorpe et coll.)

La littérature récente sur le rapport au travail (Méda et Vendramin, Mercure et Vultur) a produit une série d'indicateurs permettant l'analyse du rapport au travail. Ces indicateurs sont généralement dichotomisés entre les valeurs instrumentales de l'activité et ses valeurs expressives. Or, il semble qu'elles n'épuisent pas le sens du travail. n'existe-t-il pas aussi des significations à portée sociale-historique telles que celles de sa valeur intégrative (Alalouf et Zamora, 2016) qui renforce la prégnance du travail salarié, ou encore celle de sa portée émancipatrice (Pinard, 2000)?

Extrait de M.-P. Boucher, Notes de cours – Sociologie du travail REI1153-A2020 – UQO – séance VIII, 2020:

"Avec le rapport au travail, nous sommes dans le registre du sens, des significations, des valeurs, des attitudes, des représentations, des opinions. Nous sommes clairement dans une dimension du travail qui implique ce que les gens en pensent. Si nous insistons sur les valeurs que les gens associent au travail, on dira qu’il s’agit de l’éthique du travail ; si nous insistons plutôt sur les représentations, on dira plutôt que nous nous intéressons aux significations socio-culturelles du travail. Notons que l’éthique et les représentations peuvent aisément se confondre ; l’éthique étant un volet des représentations sociales et culturelles.

Daniel Mercure, sociologue québécois du travail, parle de l’éthique du travail en utilisant le terme ethos. Voici ce qu’il en dit :

"L’ethos du travail permet de repérer, de manière générale, la valeur accordée au travail et la place qu’il occupe par rapport aux autres domaines de la vie, de même que sa signification, à savoir les raisons pour lesquelles un individu travaille ainsi que ses aspirations." (Mercure, 2019 : 146)

En s’attardant sur cette définition, l’éthique du travail permet de dévoiler :

  • Valeur accordée au travail ;
  • Place qu’occupe le travail dans la vie et par rapport aux autres sphères de la vie (famille, engagement politique, vie amoureuse, amitié, sport, divertissements, etc.) ;
  • Raisons de travailler ;
  • Aspirations : souhaits de la personne par rapport au travail.

Mercure donne aussi une autre définition du rapport au travail. Cette fois, il n’y fait plus référence à l’éthique, mais cette seconde définition tient compte d’à peu près les mêmes éléments :

"La manière de vivre le travail, à savoir la place qu’il occupe dans la vie, le sens qu’il revêt et les manières de s’y investir, révélée par les façons de se le représenter et de se conduire dans l’exercice de l’activité productive." (Mercure, 2019 : 145)

Cette définition est aussi intéressante. Certes, on est encore dans la tête de l’individu, mais la définition suggère que ce qui se trouve dans cette tête, à savoir les idées, les valeurs et les représentations, ont un impact sur la manière de se comporter au travail. Le rapport au travail, tout comme l’identité vue plus haut, est un élément de la motivation au travail.

Réciproquement, on doit s’attendre que l’expérience de travail puisse avoir un impact sur le rapport au travail. C’est ce que suggère Nancy Côté (2013) qui a enquêté sur le rapport au travail d’un groupe d’infirmières au Québec. Pour plusieurs d’entre elles, être infirmière représentait un idéal de soins. Or, à la suite de leurs expériences de travail en milieu hospitalier, des conditions de travail (peu de temps pour effectuer un travail de qualité) et des conditions d’emploi (obligation de réaliser des heures supplémentaires), cet idéal s’est fracassé. Le rapport au travail infirmier a été considérablement modifié et éventuellement le rapport au travail en général a changé : plutôt que de viser un travail épanouissant en accord avec des valeurs altruistes, de soins et de bienveillance ; les personnes déçues chercheraient un travail plutôt alimentaire et investiraient ailleurs leur désir d’épanouissement.

Retenons que le rapport au travail influence l’attitude au travail ; que les expériences de travail influencent le rapport au travail. Ajoutons que le travail n’existe pas en vase clos et que la vie de la personne en général peut influencer le rapport au travail. Par rapport à cette vie, il serait entre autres pertinent de tenir compte : des caractéristiques personnelles (âge, sexe/genre, origine de classe, nationale et socio-culturelle) ; de l’identité ; de la situation familiale ; du niveau de scolarité ; de la santé et des épreuves personnelles vécues.

En tenant compte de ces nouveaux éléments, on peut se pencher sur la définition proposée par Côté du rapport au travail :

« Prenant appui sur la perspective des parcours de vie, nous concevons le ‘rapport au travail’ comme le résultat de la rencontre entre les représentations, les attentes et les valeurs que les individus entretiennent à l’égard du travail et l’expérience concrète qu’ils font du marché du travail, qui dans, un mouvement itératif , contribue à redéfinir continuellement leur identité en fonction des événements qui surviennent aussi bien dans leur vie au travail que dans la vie hors travail. » (Côté, 2013 : 184)

Le rapport au travail est donc à comprendre de manière dynamique : il est susceptible de changer tout au long de la vie et en fonction des expériences (les parcours de vie et d’emploi/travail)."


L'emploi et ses vertus instrumentales[modifier]

Les significations extrinsèques sont généralement liées aux conditions d’emploi.

Les contributions expressives du travail[modifier]

Les significations intrinsèques sont généralement liées à l’activité de travail, au contenu du travail concret.

Mais il y a plus, si le travail devient surtout l'enjeu de demande d'affirmation et de reconnaissances plutôt symboliques (Lordon, 2010).

Identité et reconnaissance[modifier]

Le travail occupant une place prépondérante dans nos existences et nos sociétés, il convient de considérer que ses significations s'imbriquent avec l'identité et, de ce fait, avec les dynamiques de reconnaissance (voir Dejours sur ces aspects).

Références[modifier]

Alalouf, Mateo et Daniel Zamora (dir.), Contre l'allocation universelle, Montréal: Lux, 2016;

Côté,

Dejours, Christophe, Travail vivant. 2 : travail et émancipation, Paris, Payot et Rivages, 2013 ;

Fischbach, Franck, Chapitres 4 et 5, Le sens du social. Les puissances de la coopération, Montréal : Lux, 2015

Goldthorpe, John H., David Lockwood, Frank Bechhofer et Jennifer Platt, L’ouvrier de l’abondance, Paris, Seuil, 1972

Mercure, 2019

Pinard, Rolande, La révolution du travail. De l’artisan au manager, Rennes: Presses Universitaires de Rennes, « Le sens social », 2000

Weber, Max, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme