De l’écologie sociale aux économies de communauté : pour un autre vivre-ensemble
Référence: Kruzynski, Anna, « De l’écologie sociale aux économies de communauté : pour un autre vivre-ensemble », dans V. Lefebvre-Faucher et M.A. Casselot (dir), Faire partie du monde : Réflexions écoféministes, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2017 : 53-73
Thèses et questions de recherche
Questions de recherche : : la question de recherche n'est pas explicitée, mais l'autrice s'intéresse à l'application des théories libertaires et communautaires dans Pointe-Saint-Charles, pour en arriver à une proposition de méthode pour transformer les rapports économiques au sein d'une communauté.
Objectif de la recherche : l'objectif de l'essai est de proposer une méthode d'organisation qui soit porteuse d'espoir, tout en étant ancrée dans un pragmatisme mobilisateur (p. 54).
Thèse centrale : le point de départ d'une organisation fructueuse serait sociale et économique plutôt que politique comme le propose Bookchin (p. 62).
« l'institution politique n'est donc pas séparée de l'économique (du social). Le point de départ est l'activité économique (sociale) des gens sur un territoire donné, cette activité tangible, réelle; de la émerge le politique. [...] Et les territoires, constitués en économie de communauté, créent des réseaux avec d'autres économies de communautés, ailleurs, en fonction des besoins et désirs des un.es et des autres. L'économie est diversifiée, pas municipalisée. Maintenant, pas « après ». Cela nous permet de voir que l'on ne lutte pas contre un capitalisme global abstrait, mais contre des activités capitalistes précises et visibles. L'éducation n'est pas une étape préalable, mais se fait plutôt dans l'action » (p. 71).
Arguments et concepts
exploitation et oppression des humains et de la nature selon Krusynski
« l'organisation de la société perpétue la stratification et est à la base de l'exploitation des humains et de la nature (p. 54) ». L'exploitation prend forme dans le travail salarié, qui bénéficie principalement aux capitalistes, mais également dans le travail gratuit (travail principalement reproductif), ainsi que dans le travail exploité des peuples des pays du sud, des groupes racisés et pauvres du Nord. » (p. 55).
municipalisme libertaire
Les militant.es de Pointe-Saint-Charles ont suivi les programme suggéré par Bookchin, tentant de mettre sur pied des institutions politiques décentralisées et démocratiques (p. 57). À travers cette forme d'organisation politique, les membres de la pointe libertaire ont publié des textes, organisé des ateliers et des actions directes afin d'améliorer la vie du quartier (p. 59). Toutefois, au bout d'un moment, la participations aux assemblées de quartier s'est effrité, et la pointe libertaire n'a pas réussi à mettre sur pied une institution politique pérenne. Ce constat amène l'autrice à remettre en question les principes du municipalisme libertaire de Bookchin, proposant de prendre comme point de départ le champs socio-économique plutôt que politique (p. 61)
repenser l'être
Les tenants des théories portant sur les économies de communautés « proposent plutôt d'élargir le spectre, et de concevoir des communautés multiespèces, bâties sur des rapports interreliés d'interdépendance. » (p. 62). Ces auteurs proposent par ailleurs de repenser l'économie « comme constituant l'ensemble diversifié des activités de subsistance d'une communauté». L'autrice propose une méthode itérative d'organisation, dans laquelle les communautés déterminent leurs besoins matériels ainsi que la direction éthique qu'elle souhaite suivre.
ÉdeC1: moment ontologique de l'éonomie de communauté « caractérisé par le partage de l'impossibilité même d'appréhender et de véritablement maîtriser la nature de notre être ensemble». Il s'agit pour l'autrice de « prendre le temps d'examiner ce “nous” de voir sa diversité, les différences qui s'y cachent, qui s'y confrontent (p. 64-65)
ÉdeC2: « moment de divulgation éthique, l'exigence affirmée de rendre visibles et contestables les dynamiques et les conséquences de nos interrelations » (p. 64). Ce faisant, le collectif tâchera de cartographier [ l'ensemble des formes d'organisations économiques non-capitalistes], de le nommer, de l'expliquer, de le valoriser. [...] En élargissant l'économie, on voit apparaître une multitude de manières de se la réapproprier. Car ces activités nous sont familières, intimes même. Elles nous font vivre. Elles nous soutiennent. On réalise que c'est nous, l'économie. On devient sujet économique » (p. 66)
ÉdeC3: « moment politique, où le fait incontournable de nos négociations éthiques et collectives est rendu explicite et devient un lieu de connection, d'exclusion, de conflit et de transformation active » (p. 64). « il est impossible, selon ette école de pensée, de savoir à l'avance à quoi ressemblera ce vivre-ensemble dans l'abstrait. Cet être-en-commun émerge des délibérations, des tensions, les luttes (sic), des consensus, des déchirements » (p. 66)
Selon cette approche, « il n'y a donc pas de modèle à peaufiner, pas de moment révolutionnaire ou de grand soir à anticiper, pas de rupture, pas d'abolition de système, pas de vision unique. Plutôt, un élargissement du spectre des activités économiques émancipatrices dans un processus de création d'éonomies de communauté, ces espaces politiques de délibération éthique, de démarches ouvertes, sensibles et adaptables, qui permettend à différentes communautés de construire des manières d'être, de penser et de faire, de vivre l'indépendance » (p. 68). Toutefois, l'organisation économique ne peut être suffisante. En effet, Krusynski affirme que « même si le développement des activités économiques non capitalistes améliore le bien-être des individus, des communautés, de la planète, on observe, par exemple, que le conseil d'arrondissement a tendance à légiférer en fonction des intérêts du capital. Or, les habitant.es constitué.es en économie de communauté construisent leur force, leur pouvoir d'agir en commun, illes établissent des alliances avec d'autres ommunautés, des coalitions temporaires ou des fédérations plus pérennes autour d'enjeux spécifiques, selon les besoins du moment. » (p. 70)
Par ailleurs, « le va-et-vient entre ÉdeC1 et ÉdeC2 par le biais de ÉdeC3, est un processus révolutionnaire par lequel les individus se transforment, par lequel de nouvelles subjectivités émergent; les individus et les groupes se transforment mutuellement » (p. 71)
Conclusion critique L'autrice parle peu de l'organisation économique du Batiment 7 à proprement parler, mise à part une énumération des différents services qui y sont organisés. Ainsi, on a très peu d'information sur le processus de va-et-vient dont il est question dans le texte, et ce particulièrement pour la période suivant la constitution du Bâtiment 7. Il serait intéressant de voir si Kruzinsky ou d'autres ont travaillé sur cette question depuis l'ouverture du Bâtiment 7. Par ailleurs, si les membres du collectif ont appris à travers les luttes, en est il autant depuis l'ouverture du bâtiment 7, ou bien l'institutionnalisation du collectif rend-t-il plus difficile les remises en question nécessaire au processus révolutionaire dont parle Kruzynski.