L'âge du faire, hacking, travail, anarchie

De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
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Référence

Lallement, Michel, 2015, L'âge du faire, hacking, travail, anarchie, Paris, Seuil.

Thèses et questions de recherche

Il s'agit d'une étude en grande partie basée sur Noisebridge à Oakland en Californie. Le but est de présenter la "révolution du travail" qu'annoncent les hackerspaces. C'est la forme classique d'une recherche universitaire: on commence par une longue revue de littérature (le mouvement faire, l'histoire des hackers, le contexte californien, et les hackers et hackerspaces de la baie de San Francisco). Ensuite, on présente les résultats de l'observation au vu de certaines théories sociologiques: la communauté, l'éthique et la pratique, le consensus, et les parcours de vie typique des hackers. Finalement, 2 chapitres de discussions chapeautent: un premier sur les conflits entre les idées politiques et techniques dans l'espace et le deuxième sur le conflit entre le logiciel libre et le marché.

Question de recherche

Comment s'articulent les utopies concrètes du faire? Quels sont les tensions et contradictions liées à ces pratiques?

Méthodologie

Observation participante, entretiens, etc.

Arguments et concepts

Un hippie dit en 1972: "la plupart du temps les ordinateurs sont utilisés contre et non au profit du peuple" (p. 130) (j'avais pas de citation aussi vieille). Il y a un commentaire sur le style de vêtements des gens, pis comment l'auteur semble avoir l'air trop propre (p. 194). "La montée en puissance d'une société d'individus est accompagnée d'exigences d'authenticité et de performance que, à défaut de ressources adéquates, nombre de contemporain transforment en expérience de fragilité sociale." (p. 210)

Les pages 218 à 221, c'est vraiment bizarre. Il cite Eric S. Raymond, un libertarien (https://en.wikipedia.org/wiki/Eric_S._Raymond#Political_beliefs_and_activism) de marde, pour expliquer c'est quoi un hacker. C'est pas la fin du monde, mais quand tu présentes un phénomène en grande partie à partir d'une position de droite, en mélangeant anarchisme et tout le reste, ca fait peur. L'auteur passe ensuite à Coleman, et cite du code qui marche pas page 221. Genre y'a 12 erreurs dans le code, et l'exemple est vraiment discutable. J'ai passé 20 minutes à me casser la tête à comprendre pourquoi il cite ca, pis à relever toutes les erreurs de transcription de code. T'es en science humaine, c'est correct que tu comprennes pas, fait pas comme si tu savais tout ca. C'est à la même page qu'on caractérise le travail des hackers comme non-tayloriste, mais c'est la dernière des conneries. En 1990, peut-être, mais maintenant, le coût principal d'un logiciel c'est de la maintenance. C'est pas vrai qu'il faut coder élégant, il faut coder clair. Mettre des explications. C'est comme l'écriture, je pourrais faire des figure de style, mais si personne comprend, j'ai prouvé que je suis intelligent, j'ai pas prouvé que j'étais capable de communiquer. Page 228-229, on présente les conneries de ESR sur la valorisation des meilleur-e-s hackers pis on en fait un système méritocratique. Genre y'a crissement des critiques féministes dans le champs informatique libre de ces conneries là, pis crissement des dudes louches sont partis dans à partir du moment où les filles se sont mis à dénoncer (ca a amené des politiques anti-harcèlement: https://geekfeminism.fandom.com/wiki/Conference_anti-harassment/Adoption ; voir par exemple: http://jessenoller.com/blog/2012/12/7/the-code-of-conduct (j'pourrais faire ma job, pis chercher, y'a des autrices pas pire dans ce champs là) ). Bref, c'est des affaires qui ont déjà commencé à changer au moment où il écrit.

Il y a des scènes où des gens s'entraident tous ensemble, c'est cute, mais on s'entend qu'on est pas dans la sociologie du travail si une personne passe 30 minutes à faire des trous dans une canne (p. 242). Le but semble plus d'apprendre, et rendu là, pourquoi on ne cite pas Bourdieu pour dire que le propre des classes populaire c'est de vouloir apprendre et développer des skills? "On peut apprendre beaucoup des systèmes - et plus généralement du monde - en les démontant pour comprendre leur fonctionnement" (Levy, cité p. 247). C'est une belle intuition foucaldienne, mais ca reste sans suite (voir ma critique plus bas sur le l'évolution de la technique). On arrive à la fin en disant que peu de hackers vivent de ce qu'iels font à noisebridge et que le terme de hack est fréquemment mobilisé pour justifier ce qui est légitime dans l'espace. Donc on est dans une sociologie de la colocation.

Dans une mauvaise phrase, l'auteur dit que le consensus nécessite une mission commune partagée par les membres (p. 256), et que le consensus atténue les dominations. On voit que les initiatives ne sont pas jugées de manière égale par les membres du collectifs, certain-e-s (mais plus certains) peuvent mieux s'imposer au nom du collectif. On arrive un peu à la conclusion que le pouvoir risque de revenir par l'expérience, l'aise dans l'espace différentes pour chaque personne. Mais y'a pas de contexte, on ne compare pas à rien d'autre. Le consensus, c'est pas la panacée, c'est le moins pire qu'on a trouvé. Dire que c'est pas parfait, right, mais c'est quoi qui se passe dans les milieux d'éducations ? Dans les espaces de coworking ? Dans les milieux de travail où les femmes subissent du harcèlement au travail ? C'est ben d'la pisse le consensus, mais tu peux pas dire que c'est limité sans contexte. On explique que le mode de fonctionnement de Noisebridge est calqué sur les mouvements de résistance de la baie des années précédentes (p. 285), je pense que ca montre que la passation des stratégies de gestion de conflits et de prise de décision est écosystémique.

Commentaire

Y'a comme 3 affaires principales qui ne marchent pas: premièrement la revue de littérature est située dans les années 80-90 pour la majeure partie, et on parle d'un terrain de 2011-2012, donc un trou, pour la plupart du temps de 30 ans entre la littérature sur les hackers et le moment actuel. Ca amène 2 sous-problèmes: premièrement, on fait une présentation du hack décontextualisée des pratiques actuelles, eg: les pratiques des années 80-90 sont vraiment loin de l'imbrication sociale forte qui caractérise le mouvement actuel. Genre soumettre une patch sur github, c'est pas pareil que d'écrire un logiciel pour toi, comme le faisait Stallman. Deuxièmement, on ne voit l'évolution technique qui explique le faire. Avant, les microcontrôleurs coûtaient des fortunes, mais avec les PICs (https://en.wikipedia.org/wiki/PIC_microcontrollers) aux début des années 1990s, ca devient de plus en plus clair que le logiciel va prendre un plus grand contrôle de nos vies, parce que tout va devenir informatisé. Bref, camarade Lallement aurait du faire relire ses chapitres aux hackers, je suis sûr qu'iels auraient eu du bon feedback par rapport à ça.

Deuxièmement, on articule au début le lien entre "30 personnes donnent 80$ par mois", mais on reste dans une conception du travail. C'est comme faire une sociologie du travail dans une maison collective. Ca marche quand même, on peut aller loin, on peut voir qu'il y a des choses qui se font, et c'est vraiment intéressant pour ce que c'est, mais on ne peut ignorer que le projet collectif, c'est avoir un espace, et que ca ne dépasse pas ça. Les revenus sont individuels, les emplois sont individuels, les projets sont individuels (mais sont partagés des fois). Il y a des success stories, individuelles, qui surviennent à cet endroit, mais c'est loin des communautés intentionnelles. Alvin qui développe son jeu, ne va donner plus que son 80$ par mois. Je trouve qu'on ne rappelle pas suffisamment la relation de coloc de la patente.

Troisièmement, l'articulation du travail, dans le contexte d'un espace partagé mais dont les revenus ne sont pas collectivisés, échappe le plus souvent à la question des usages. On voit que des gens codent pour des patrons, des gens fabriquent des trucs, etc, on mentionne que souvent "ca ne sert à rien", donc que dans plusieurs cas, c'est une sociologie du loisir. Il mentionne des initiatives communautaires, comme le bike kitchen, où l'on produit une valeur d'usage monétarisée. Pour moi, les capitalistes ont compris depuis longtemps que les gens aiment s'acheter 3000$ d'outils pour se construire 300$ de meubles. Évidemment, si tu mets les outils en communs, pis tu laisses les hippies faire du kombucha dans l'coins d'ton local, c'est moins cher, mais ca reste une sociologie du loisir. Pis faut que tu ailles coupé 200-300 mètre de stock avec ta scie sauteuse pour rentabiliser sont 30$ d'investissement. Bref, oui, on a besoin d'ateliers communautaires, mais si chacun-e doit apporter ses matériaux et faire ses plans lui ou elle-même pour construire ses trucs, on ne réduit pas la barre d'entrée à l'autoproduction individuelle.

Il y a 4 idéotype du hacker p. 310, mais je pense pas que c'est bon pour nous. Les gens disent qu'ils font ce qu'ils aiment (p. 357), mais vraiment? On revient dans la revue de littérature p. 363 pour enfin parler du mouvement Yippie. Y manque ce truc intéressant dans cette revue de littérature: https://www.lechappee.org/collections/dans-le-feu-de-l-action/les-diggers , je pense que ca aurait donné une perspective plus critique. Aussi, y'a ce truc: https://thebaffler.com/books/commodify-your-dissent-the-business-of-culture-in-the-new-gilded-age qui explique vraiment le contexte du DIY dans la culture américaine des années 90s. Je pense entre autres à: https://thebaffler.com/salvos/the-problem-with-music . Le chapitre fini en disant que y'a toujours eu conflit entre les hackers politiques et apolitiques (p. 369).

Le chapitre 10 est sur le thème général des contradictions entre ce qui se disait dans les années 90 et maintenant. On parle de la netiquette, sans parler de l'Eternal September, on rapproche Bill Gates et les hackers, etc. On parle du clivage côte est-côte ouest (p. 388), mais je pense que le texte aurait bénéficié de lire des trucs sur les économies comparées cote est-ouest (genre: https://www.researchgate.net/publication/23750864_The_Evolution_of_Inventor_Networks_in_the_Silicon_Valley_and_Boston_Regions/link/594bc593a6fdcc3bb5cef217/download ).

Dans la conclusion (?) on arrive avec une classification pertinente entre le travail hétéronome (genre je travaille pour me permettre de militer) et le travail autonome (genre je travail parce que ca fait du sens) (p. 412). C'est vraiment des bonnes catégories, mais je suis sûr que ce n'est pas la première fois que c'est écrit. Y'a une foutue bonne revue d'ouvrages sur les communes autogérées des années 70s dans une note au bas de la page 415.

Notes