Makers, Enquête sur les laboratoires du changement social

De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
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Référence[modifier]

Berrebi-Hoffman, Isabelle, Bureau, Marie-Christine et Lallement, Michel, (2019) Makers, Enquête sur les laboratoires du changement social, Seuil, Paris.

Thèses et questions de recherche[modifier]

Question de recherche[modifier]

Qu'est-ce que sont les Fablabs, Hackerspace, et le mouvement maker? Comment ca se manifeste en tant que mouvement ? Comment ca se répand ? Quel réthorique et dénomination sont favorisées par un tel mouvement ?

Méthodologie[modifier]

Pas mal d'observation participante, du rammassage de données sur des listes courriels, des entrevues, des visites dans les espaces et pas mal de spéculation.

Arguments et concepts[modifier]

L'introduction, eh bien, introduit le sujet, présente l'"imprimante 3D", l'espèce de mascotte du mouvement, d'une perspective acritique. Par exemple, iels disent que c'est écologique et que ca va transformer la production, sans trop prendre un recul critique sur la production et la distribution dans les sociétés contemporaines[1]. De plus, on passe à côté d'une belle occasion de parler du contexte économique. En effet, que le monde veulent se faire des biens de consommation, ca veut dire que y'a la volonté d'avoir une valeur d'usage, sans avoir la valeur d'échange nécessaire à l'acquisition. On pourrait voir le retour de la dialectique formel/informel, où le formel est la sphère du privilège. Genre, tu fais pas ta propre bouffe si t'as ben de l'argent. Plus que les pauvres s'appauvrissent, plus qu'iels bricolent et font avec ce qu'iels ont. Mais ici, on se laisse amadouer par le discours, les gens "font".

Le premier chapitre, au contraire, c'est vraiment pas pire. Une bonne historique, qui remonte au Shakers[2]. En gros, Morris, Ruskin, les Arts and Crafts, et la période 1900-1945 qui est pas trop documentée dans l'histoire du DIY. Mais on est dans le factuel, ca aurait quand même permis de faire des liens avec l'économie, s'iels auraient voulu, parce que ca coïncide avec la croissance de la mécanisation de l'industrie, et probablement les périodes de disette. Faut être au chomage longtemps pour essayer de se gosser une spatule avec un bout de 2 par 4.

Le deuxième chapitre justifient leur choix de toute crisser ensemble les HackerSpace et les FabLab, parce que les gens bricolent. Y citent un texte de Maxigas, un anar français dans le champs, qui semble intéressant. Iels montrent les différence idéologique, parce que ca tend pas mal à gauche, à l'autogestion, au logiciel libre, la politique n'est jamais loin. On parle aussi de ce qu'on fait avec des approches statistiques, genre qui a des machines à coudre, des imprimante 3d (tout les espaces ont un imprimante 3d), des ordinateurs, des imprimantes, des Arduinos[3] et des machins. Ce qui est pas dit aussi[4], c'est que le monde viennent donner du stock en calice. Genre, mon grand père est mort, y faisaient de l'électronique voici 4 boites de fils et de composantes. Ca a aucun bon sens comment le monde consomment, et comme tout les squats, maisons collectives, espaces anarchistes, y se rammasse des choses que les gens laissent derrière qui ont pas d'allure. Rajoute à ca des bricoleur·euse·s qui veulent réparer des trucs qui marchent pas, pis qui ont plus de temps que d'argent, pis t'as un crisse de bon système de son, pis crissement du gear haut de gamme, au point où il faut que tu empêches certains objets de rentrer [5].

Le troisième chapitre, on parle des modes d'organisation internes, soit l'autogestion. Iels parlent de l'inspiration des mécanismes de prise de décision par consensus, aussi présents dans Nuit Debout et Occupy. Iels parlent entre autres du fait que c'est pas bien vu de déranger les gens qui travaillent, mais ne mettent pas en contexte[6]. Iels ne sont par contre pas trop convaincu par le modèle. Iels citent un psychosociologue qui disait en 1960: "se passer d'un chef qui assure les tâches de coordination d'un group peut avoir pour effet une moindre efficience de l'action collective, et, par voie de conséquence, une faible satisfaction des parties prenantes" (p. 103). Deux pages après on nous cite un économiste qui a eu un prix Nobel pour nous ramener la tragédie des communs. On a vu pire, mais on a vu mieux.

Le chapitre quatre est une belle occasion manquée. On revient sur le débat entre FabLab, les trucs plus financés par les entreprises et les gouvernements qui font fréquemment des pièces pour aider les industries locales et les HackerSpace, où c'est assez clair dans le texte qu'iels s'en calicent de l'industrie, de la croissance et du capital. Par contre, au lieu de faire le débat, on ramène au discours, aux termes fablabs et au hackerspace, et au fait que la majorité des espaces ne veut pas être entre ces deux extrêmes. On parle même des tentatives de l'État français pour récupérer le truc, où évidemment l'État donne le fric aux trucs corpo, mais sans rentrer dans les contradictions économiques en tant que telles. Genre, si tu veux un gros CNC[7], faut que tu vendes un peu ton âme. On parle encore du concept de tier-lieu, où ca aide à la vie quotidienne, ca devient un espace de vie comme un café coop (p. 142-149).

Le chapitre 5 est drôle, ca fait les parcours de vie des personnes impliquées. Principalement des gars blancs privilégiés, qui se sentent soient pas a leur place parce que dans leurs écoles d'ingénieur iels ont des intérêts sociaux, ou d'une autre façon, se sentent pas à leur place dans leurs écoles d'arts parce qu'iels sont trop intéressés par la production. Les parcours de vie, ben, c'est des hippies, y'a une mise en scène dans le milieu maker, genre de cacher ses diplômes pis de montrer les aspects contradictoires de sa personnalité, comme si on était dans Portlandia. C'est cute, mais c'est 3/10 sociologique.

Le chapitre 6 commence avec un retour sur le chapitre 3, en montrant les différences dans l'intensité des liens avec l'industrie sous l'angle des termes utilisés, hackers et makers. À partir de la page 213, on entre dans les détails des conférences de makers, comme la makers faire. Ca dérape complètement, c'est comme si des anthropologues de droite allaient au salon du livre anarchiste et étaient choqués de voir une pancarte "pas d'animaux morts" dans les frigos de la cuisine. À la fin on cite les formes élémentaires de la vie religieuse de Durkheim pour montrer que c'est une bien drôle de religion.

Le chapitre 7 parle de la structuration hors des conférences du mouvement. C'est intéressant, on voit les tensions à l'interne, les listes de courriels, comment les gens se retrouvent malgré tout absorbés dans leurs communautés locales. Ca se compare bien avec le terrain sur les technologie d'information, où les fédérations sont plutôt faibles. Ou plutôt que les espaces sont assez occupé sur leur terrain propres pour pas être capable de vraiment aller au-delà. De la même façon que Montréal Sans-Patron n'a pas été très loin. Par contre, les hackerspaces, sont plus structurés, ca se voyait déjà, parce qu'iels sont plus proche du mouvement anar. Y'a aussi des rapprochements à faire avec d'autres mouvements sociaux qui se sont fait embourgeoiser, comme les yippies (https://www.lechappee.org/collections/dans-le-feu-de-l-action/les-diggers), y'a des gens qui tentent de geeker en paix, pis y'a une tonne de geek qui viennent s'acheter des arduinos pis prendre trop de place.

Le chapitre 8 est simplement décalé des autres, puisqu'il parle des fablabs et des espaces de coworking, en ignorant les hackerspace. On parle de comment des entrepreneurs avec du frics ou du capital culturel réussissent à cueillir des subventions gouvernementales pour mettre en place des initiatives locales. Mon expérience de la création d'un hackerspace est bien différente. Un camarade avait consulté des gens qui en avaient ailleur, et le plan c'était d'aller se chercher des camarades qui étaient prêt-e-s à payer 50$/mois pour un espace partagé. Les trucs étaient gérés en AG, et dès le départ, tant qu'iels avaient pas 3-4 mois de loyers d'engrangés, ils louaient rien, parce que déménager, installer, machin, ca coute cher. Je pense qu'iels visaient d'avoir des revenus équivalent à 110% ou 120% du loyer envisagé, et iels avaient des politiques "si tu pars, tu trouves un camarades pour payer ta part", etc. Genre, ca se goupille par le prolétariat c'est trucs là. Mais après, vous imaginez avoir accès à pas mal d'outils collectifs de plein de monde qui "j'ai acheté, mais c'est pas super, alors vous pouvez le prendre". Genre, si tu bricoles, tu te fais fourer 1 achat d'outil sur 2, bref, on a toujours une tonne de truc de merde à donner, et ca fait un crisse de bassin si tu te mets à 20-25.

La conclusion est en intéressante. Ils arrivent à conclure que ca reconfigure le monde du travail. Si les fablabs auraient mettons, fait une liste de bien de consommation facile à réparer, mis en place des chaines de production des morceaux qui brisent, mettons, pour réduire la vente de cuisinière et de laveuse à linge de genre 10-15-20%[8] et que ca affecterait le PIB, ca serait pas accueilli de la même façon. Dans tout les cas, la production, la démarchandisation n'est pas vraiment évaluée, et ce genre de livre montre l'intérêt d'approches économiques dans le champs de l'économie solidaire.

Commentaire[modifier]

C'est quand même un champs très connexe au notre, même si on est loin. Je pense que la nature institutionalisée, désinstitutionalisée est un aspect à mentionner. Genre on parle des bars coop safer space, mais on le mets pas dans le contexte générale de l'économie sociale. De dire que des initiatives existent qui sont plus corpo, comme la caisse Desjardins, ou la caisse d'économie solidaire. Au minimum, situer notre terrain dans cet axe pour le justifier.

Sinon, ca fait un bon travail de montrer la filiation libertaire, même si au final, iels semblent vraiment pas croire à beaucoup d'idées du mouvement libertaire.

Finalement, en entrant pas dans la particularité propre du contrôle numérique de la production, on perd le sens des activités. Prennons l'histoire du fraisage. Pendant longtemps, on utilisait on avait une personne qui mettait des pièces de métal dans des étaux montés sur des tables avec des axes linéaires, c'est-à-dire, des tables que l'on peut bouger de manière précisement linéaire dans deux directions, avec un outil fixe au dessus. Si on veut prendre la même machine outil pour faire des coupes à 45 degrés, c'est nécessaire de démonter la pièce de son étau, la remonter à angle etc. On s'est occupé de 100% de la production mondiale avec des systèmes non-numériques pendant des dizaines d'années. On utilisait des patrons, comme en couture, pour guider des machines. Maintenant, y'a des logiciels de modelisation 3d (CAD, computer aided design), qui permettent de convertir des "idées", en "modèles", et des logiciels qui transforment des modèles 3d en instruction à des fraiseuses (CAM, computer aided machining). Dans ce dernier cas, au lieu d'avoir une personne qui tourne les manivelles pour le déplacement linéaire de la pièce à découper, c'est la machine qui tourne les manivelles. Les machinistes sur youtube, font souvent pas mal d'usinage sur des machines manuelles, parce que pour des pièces simples, c'est moins long que de faire le design sur l'ordinateur, tu coupe et c'est tiguidou. Au contraire, si tu faire des formes complexes, même écrire des mots manuellement, c'est une esti de job, pis t'es mieux de laisser faire la machine. Donc toute l'industrie en amérique du nord, s'est converti au CNC, (computer numerical control), mais il reste des machines manuelles. Donc les imprimantes 3D, qui sont dans la catégorie des CNC, des machines numériques contrôlées par ordinateur, sont en fait des solutions qui visent à couper de jobs, mais qui par leur facilité d'accès à cause de leur utilité diverse, peuvent servir à pas mal tout le monde. Mais le temps d'impression est vraiment long, ou pour le dire autrement, c'est pas le meilleur outil pour toute les jobs, et c'est dispendieux pour ce que c'est.

Au contraire, pendant des dizaines d'années, les vieux buildings industriels désaffectés ramassaient des artisans, qui venaient se complémenté. Dans l'atelier de céramique d'une de mes chum, y'avait le gars qui faisait de la menuiserie, pis qui faisait des étagères, des murs, des trucs pour tout le monde dans le building. Y'avait du monde qui faisaient du vitrail qui passait des retailles pour patcher les fenêtres, les gens qui faisait de la couture qui faisaient des cousins avec leurs retailles, alouette. Moi de ce que j'en ai vu, avant l'appellation "maker" et le make magazine, y'avait crissement de la débrouille, des gens qui connaissaient un pote avec une soudeuse, et beaucoup d'outils qui auraient jamais du franchir l'an 2000. Mettre des imprimante 3d partout, c'est vraiment détruire un écosystème qui faisait sans. Bref, c'est quand même superficiel, et ca manque de définition précise, ce qui est bien montré dans le chapitre 8 où on change directement d'objet. En ne pensant pas l'évolution de la production, on crée du nouveau articiel.

  1. En gros, la production d'objets en plastiques, en aluminium et en acier a été délocalisé dans les pays du sud, en remplaçant au maximum les opérations de fraisage, de meulage, de perçage, de tournage et autre par des opérations de moulages (évidemment, pour lesquels des moules doivent être réalisés mais dans une proportion beaucoup plus faible que les objets à produire). Quand j'ai travaillé dans une usine d'usinage (qui faisait perçage, meulage, fraisage, tournage et soudure), les plus gros client-e-s étaient a) l'industrie médiatique, qui avait besoin d'une chaise designée custom à la dernière minute, donc impossible de l'importer de l'extérieur, b) quelques industries locales qui faisaient des morceaux spécifiques pour leurs machines (dont les fournisseurs s'arrangent pour vendre le plus cher possible), c) la réalisation d'invention maison destinée aux usines, genre aiguisage automatique de lames pour scierie. Bref, toute ce qui se fait en grande quantité, c'est du moulage, ca vient de l'Asie, et c'est bien moins cher que de faire usiner local, y reste juste du custom. Donc la pertinence de l'impression 3D, c'est dans le fait que tu peux réparer le morceaux XYZ de ta sécheuse (et ca adonne bien, les sales capitalistes ont compris qu'en mettant 2-3 morceaux qui pètent au bout de 3 ans, les gens achètent plus). Les gens qui font des businesses avec des tours à métal en Amérique du nord font souvent des adapteurs spécifiques pour les caméras ou d'autres outillage spécialisés, parce qu'il n'y a pas de marché global, donc de compétition asiatique. L'impression 3D pose le même genre de problèmes. Le filament utilisé coute toujours au moins 25-30$ le kilo et une louche du dollarama, j'ai vérifié, ca pèse 40 grammes. Donc, même avec le 40% de profit de dollarama, ca coute moins cher de la fabriquer en Chine ta louche. Sans même compter les fucks de l'imprimante 3D, les nombreux prototypages nécessaires, les ajustements et les limites d'impression, etc. Les auteurs semblent faire confiance aux makers, mais ca paraît qu'ils ont pas touché à ces machines.
  2. Dans mes expériences de menuiserie, j'avais entendu parlé du style Shaker, mais je ne savais pas que c'était quelque chose de subversif à l'époque, le meuble Shaker.
  3. Genre, en électronique, un ordinateur, ca s'appelle un microcontrolleur. Tu peux mettre quelque Ko (pas beaucoup) de code dessus, mais tu as accès à des entrées et sorties numérique et analogique. Ces entrées et sortie peuvent ensuite être branchées à des composantes (écran, valves, bouton, lumière, haut-parleur) pour faire une système complexe. Par exemple, y'a des trucs pour que ca ouvre les valves pour arroser les plantes automatiquement chaque heure dans les projets de design open source. Donc un Arduino, c'est un microcontrôleur qui se branche en USB, tu mets du code dessus, après tu branche 2-3 valves, un p'tit écran pis un piton pour choisir le cycle et tu as un arrosoir électronique. C'est pas expliqué dans le livre, mais vous vous imaginez que j'ai été au chômage longtemps.
  4. J'ai participé à la fondation d'un HackSpace que j'ai eu la chance de revisiter 3-4 ans après.
  5. le classique c'était les écrans CRT, y'avait une politique de "personne amène de CRT", parce que y'avait un frais de recyclage de 25$
  6. Juste pour dire, être makers/hackers c'est comme toute, ca t'isole dans ta tête, c'est pas pour rien que j'ai du mal à pas m'épancher sur les Arduinos. Bref, vous imaginez une meute d'individus qui préfère faire de la soudure dans leur sous-sol au lieux d'avoir des activités sociales qui se rassemble. C'est essouflant, et chacun-e voit dans tout-e les autres l'espoir qu'une autre personne qui partage enfin sa passion, ses lectures sur Elon Musk et c'est rarement agréable. C'est drôle que de leur point de vue externe, iels aient pas racconté à quel point ces gens ont des modes de socialisation particulier.
  7. C'est une imprimante 3D en procédé substractif, où est-ce que t'enlève du plastique ou du métal au lieu d'en ajouter comme avec l'impression 3D. Encore une fois c'est pas expliqué dans le livre.
  8. Y'a pas trop d'électronique dedans, c'est le genre de truc qui se ferait open source, y'a même des exemples sur internet