Suspending Damage: A Letter to Communities

De Projet de recherche sur l'auto-exploitation collective
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Référence : Tuck, E. (2009). Suspending Damage: A Letter to Communities. Harvard Educational Review, 79(3), 409‑428. doi: 10.17763/haer.79.3.n0016675661t3n15

Thèses et questions de recherche

Thèse centrale : elle invite les chercheurs et chercheuses qui font de la recherche dans des communautés marginalisées à réviser leurs approches, pour éviter de présenter ces communautés comme étant brisées, mais plutôt pour faire de la recherche qui soit utile aux communautés étudiées (p. 409).

Sous-thèses : Tuck considère que ces recherches sont ancrées dans une mauvaise théorisation du changement social, et que les impacts à long terme des approches centrées sur les dommages peuvent être davantage négatifs pour les communautés plutôt que positifs.

Méthodologie

lettre ouverte, dans laquelle l’autrice mobilise les écrits de nombreux auteurs de la théorie critique de la la race et du colonialisme. C’est donc davantage un essai qu’une étude à proprement parler.

Arguments et concepts

Les communautés autochtones aux États-Unis, en Alaska et ailleurs ont grandement payé les frais de la science occidentale, dans laquelle de nombreuses recherches, menées par des idées eugénistes ont dépeint les peuples autochtones comme étant déficients (p. 412)

L’autrice ne s’adresse toutefois pas à ces chercheurs et chercheuses. Plutôt, elle s’adresse à celles et ceux qui invitent les groupes marginalisés à prendre la parole, mais uniquement pour parler de l’oppression qu’ils vivent, ou de leurs souffrances. C’est ce qu’Eve Tuck appelle les « damage-centered research ».

Les recherches centrées sur les dommages vont avoir tendance à mettre l’accent sur l’histoire d’un individu ou d’une communauté pour expliquer par exemple la pauvreté ou le manque d’éducation dans une communauté. Tuck souligne que si cette approche nous semble cohérente à première vue, elle peut aussi comporter le risque de pathologiser les communautés, et à les réduire à l’oppression qu’elles vivent (p. 413)

Selon Tuck, la majorité des recherches centrées sur les dommages se basent sur une théorie du changement implicite. La douleur et les pertes connues par les communautés sont documentées afin d’obtenir des gains politiques. L’autrice considère que ces approches sont grandement inspirées des discours juridiques (p. 413).

Si certaines communautés acceptent de participer à ces recherches afin d’obtenir réparation par rapport à certaines injustices, l’autrice soutient que cette théorie du changement est erronée. L’autrice s’intéresse particulièrement aux impacts à long terme du fait de réfléchir ces communautés comme étant « endommagées ». (p. 414-415)

Les intellectuel.les qui mènent des recherches centrées sur les dommages sont en général très informé.es du contexte colonial qui a engendré de nombreuses inégalités. Toutefois, Tuck souligne que ce contexte est généralement invisibilisé et normalisé, masquant par le fait même les dynamiques coloniales à l'œuvre encore aujourd’hui (p. 415).

Tuck propose de s’intéresser aux désirs des communautés, plutôt qu’aux dommages qu’elles subissent. Tuck considère que cette approche serait plus à même de mettre en lumière la complexité, les contradictions et l’autodétermination qui anime ces communautés. Ces approches permettent ainsi de faire un portrait des communautés qui dépasse leur statut d'opprimé et conquis (p. 416).

Par ailleurs, Tuck considère que le concept de désir vient rompre avec la binarité du duo « reproduction vs résistance ». Ces deux approches sont critiquées, l’une pour sa compréhension déterministe et totalisante des systèmes de domination, et l’autre pour exagérer la capacité des individus à s’émanciper. Ainsi, le concept de désir permet de prendre en considération de quelle manière les groupes et les individus peuvent à la fois contribuer à la reproduction et à la résistance aux systèmes de domination, nous permettant ainsi d’avoir une vision plus nuancée de l’agentivité humaine (p. 420)

L’autrice appelle finalement les communautés à refuser de participer à des recherches qui s’intéressent uniquement à elles comme étant endommagées. Elle considère que les communautés ont le pouvoir d’influencer les discours qui les concernent, en insistant davantage sur leur capacité à survivre et à résister, malgré les violences dont elles sont victimes (p. 422).

Selon elle, le fait d’imposer un moratoire sur les recherches centrées sur les dommages pourrait laisser le temps aux communautés d’accomplir trois buts. Le premier serait de revisiter les théories du changement, revoir le rôle de la recherche dans le changement social. Le second objectif serait d’établir des lignes directrices pour la recherche qui serviraient concrètement les intérêts des communautés en question. Par exemple, ces lignes directrices pourraient viser à protéger les connaissances ancestrales de l’appropriation par les institutions universitaires. Le troisième objectif qui pourrait être atteint serait de revoir le rôle des chercheurs dans la recherche, pour établir une relation qui serait mutuellement bénéficiaire pour les communautés et les chercheurs qui s’y intéressent. (pp. 423-424)

Conclusion critique

Réflexion très intéressante avec laquelle j’avais davantage été en contact dans la littérature militante (zine, textes d’opinions, essaies etc.) mais qui est très bien formalisé dans cet article. Par ailleurs, la théorisation du concept de désire de Tuck s’inspire d’une part d’écrits par des auteur.ices autochtones et noires qui ont écrit à ce sujet depuis les années 1980. Il est très intéressant de constater que les mêmes genres de dynamiques ont été observées à la fois pour des communautés autochtones et noires.